Strasbourg-Dôme : une agence emblématique de l’histoire de l’Alsace et de l’architecture bancaire
Depuis plus de 100 ans, BNP Paribas et ses banques ancêtres participent à la vie économique de la région strasbourgeoise. Ce sont en effet trois de nos banques ancêtres qui se succèdent rue du Dôme. Reflet des bouleversements et des renaissances de la France et de Strasbourg, la banque et son architecture en sont aussi l’écho. C’est en ce sens que la rénovation finalisée en 2023 par BNP Paribas réhabilite le style architectural haussmannien emblématique de sa création.
Quand le Comptoir d’escompte de Mulhouse laisse par deux fois sa place à la Banque nationale de crédit
Propriété de l’Église Protestante du Temple Neuf, le bâtiment du n° 2 de la rue du Dôme traverse trois guerres en mois d’un siècle. Si les bombardements prussiens de 1870 ne le détruisent pas, les dégâts nécessitent malgré tout des travaux conséquents. C’est la Dresdner Bank, banque Allemande, qui y implante son activité commerciale puisque Strasbourg est à nouveau allemande.
Entre 1899 et 1902, Charles-Émile Salomon, architecte de l’Église du Temple Neuf, entreprend de rehausser le bâtiment et dessine une façade de style haussmannien. La rotonde couronnée d’un dôme avec lanterneau à l’angle de la rue du Dôme et de la rue des Étudiants devient emblématique de la place Broglie.
Le Comptoir d’escompte de Mulhouse (CEM) est déjà présent dans la région alsacienne. Mais, dès 1913, il laisse sa place à la Banque nationale de crédit (BNC) nouvellement créée. Le CEM transmet la quasi-totalité de son fonds de commerce à la BNC.
Deux pays, trois dénominations: l’agence de Strasbourg-Dôme vit au rythme de sa frontière
À la fin de la Première Guerre mondiale, Strasbourg est redevenue française et, dès avril 1919, la BNC, dans le cadre de sa politique d’extension, y ouvre une succursale (elle en ouvrira une seconde à Metz assez rapidement). Cette dernière signe donc un bail triennal renouvelable avec le Consistoire de l’Église Protestante du Temple Neuf qui est toujours propriétaire du bâtiment.
Symbole d’un environnement commercial bousculé par la guerre, les activités du CEM reprennent rapidement. Y compris dans les territoires reconquis même si le climat ambiant est particulier. En effet, la frontière franco-allemande est à nouveau redessinée mais les alternances de gouvernance des deux pays laissent des traces multiples. Il faut par exemple tout vérifier car de faux billets allemands imprimés en 1919 sont en circulation. C’est ce que demande la direction de la BNC à tous ses sièges dans son courrier de 1921 ci-contre.
D’autre part, la banque héberge jusqu’en 1938 un bureau dédié aux équipes de la Dresdnerbank afin qu’ils puissent liquider les comptes de leurs anciens clients dans ce territoire redevenu français.
En 1922, le CEM récupère son siège strasbourgeois de la rue du Dôme avant de le quitter définitivement en mai 1930 lors de la dissolution de cette dernière au profit de la BNC. La dénomination commerciale inscrite sur le fronton de la rotonde change à nouveau pour afficher celui de la Banque nationale de crédit.
Arrivée de la BNCI : la troisième banque ancêtre de BNP Paribas entre en scène
En 1932, la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) absorbe la BNC et donc sa succursale de Strasbourg. En 1940, les Allemands obligent la BNCI à libérer la place au profit de nouveau de la Dresdner Bank jusqu’en novembre 1944. A la Libération, la BNCI, qui participe depuis de nombreuses années à la vie économique de la région, reprend son siège strasbourgeois et sa politique d’expansion.
Entre les deux guerres, les agences de Sélestat et Haguenau voient le jour ; suivies des sous-agences de Bischwiller, Barr, Schirmeck et Pfaffenhoffen. À partir de 1952, un nouveau bureau voit le jour au port de Strasbourg ainsi que six nouvelles agences : Mutzig, Reischoffen, Rosheim, Seltz, Soufflenheim et Soultz-sous-Forêts.
En développant rapidement son réseau d’agences bancaires, la BNCI montre qu’elle a hérité de l’énergie de ses banques ancêtres. Et ce, même si les répercussions humaines et financières des conflits successifs sont importantes. Notons par exemple, dans ce second contexte particulier d’après-guerre, que le Consistoire, toujours propriétaire des locaux, réévalue la location de son bien comme l’y autorise l’arrêté de 1945 pris par le commissaire de la République. Le loyer de la rue du Dôme augmente alors de 50 %. Un moindre mal quand on sait que, dans un premier temps, le propriétaire demandait un loyer annuel multiplié par 4 !
L’architecture comme reflet de l’évolution de l’image de la banque
En 1958, Strasbourg subit un violent orage en juillet puis un ouragan en août. Le logement du directeur de la succursale est endommagé et il faut agir vite pour le rendre vivable. Le directeur trouve en urgence des couvreurs et 8 000 tuiles pour remettre en état le toit de son logement. La banque présente la facture au propriétaire qui refuse de prendre en charge les travaux ! S’ensuit un contentieux qui durera jusqu’en 1960.
La BNCI projette de réaliser des travaux de réfection dès 1958. Une rénovation qui a pour enjeu d’effacer les traces de deux guerres mondiales. Mais aussi de témoigner d’un nouveau style de vie naissant à travers les agences bancaires.
En mai 1960, la banque obtient l’accord du Consistoire pour réaliser les travaux. Avec les événements climatiques de 1958, la pluie est entrée derrière les revêtements des façades. C’est une double occasion de revoir l’architecture du bâtiment. La mode est aux lignes épurées et à un espace intérieur ouvert. La façade est alors recouverte d’un parement sur la totalité du premier étage. Les pierres de taille et les sculptures d’origine disparaissent.
Les travaux donnent lieu à une situation surprenante : l’épicerie Klein est mitoyenne de l’agence. La BNCI occupe deux de ses caves depuis le 23 novembre 1944 et fourni le chauffage de l’épicerie. C’est donc pour « conserver de bonnes relations de voisinage » que la BNCI décide de prendre à son entière charge les 220 000 francs de rénovation du chauffage (soit 429 000 euros actuels).
Une réhabilitation pour redonner vie à la façade originelle
Au-delà des travaux courants de réhabilitation et de modernisation de la succursale, il faut attendre les années 2010 pour qu’un nouveau chantier d’ampleur de réhabilitation et de restauration se dessine.
Après les études préalables et la consultation des acteurs locaux, un immense chantier de réhabilitation se déroule entre 2021 et 2023. L’association entre BNP Paribas, l’atelier d’architecture Saab et le groupe de construction Demathieu Bard marque un nouveau tournant architectural : la rénovation des façades valorise les sculptures et la pierre de taille en leur redonnant leur lustre d’origine avant les travaux des années 1958-1960.
Un sculpteur de pierre du patrimoine intervient pour recréer les quatre têtes de lion d’après des images d’archives. L’aménagement d’intérieur, quant à lui, suit les mises aux normes et les réglementations actuelles sur la sécurité et l’accessibilité. Les locaux accueillent à présent 140 collaborateurs dont la direction régionale Grand Est.
L’agence après les travaux de réhabilitation et de restauration
Partager cette page