Le Crédit universel, un champion régional du crédit à la consommation

Mise à jour le : 3 Jan 2025
Logo du Crédit universel, Archives historiques de BNP Paribas

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Etablissement spécialisé dans le crédit à la consommation, créé à Marseille en 1955, le Crédit universel est devenu un acteur national dans le domaine du crédit, du leasing et de l’affacturage, intégrant par un mouvement de fusions la Banque nationale de Paris (BNP) en 1982, puis BNP Paribas en 2000.

Redécouvrons l’histoire de cette institution quelque peu oubliée.

1955 : naissance du Crédit universel

Un concept venu des Etats-Unis

C’est en lisant un article consacré au crédit à la consommation aux Etats-Unis en 1954 que Joseph Biaggi ambitionne de construire un fief régional de financement de ventes à crédit, soutenu par le groupe familial marseillais Altieri-Biaggi. La volonté de reproduire l’«American way of life » répondait à l’éclosion de la société de consommation de masse dans les années 50. En France, au lendemain de la guerre et en pleine période de reconstruction du pays, les pionniers en la matière étaient Jacques de Fouchier en 1953 avec Cetelem et Jack Francès en 1954 avec Sofinco. Mais le crédit à la consommation était encore très en retard en France et la banque ne fait alors pratiquement que de l’escompte.
L’établissement, d’abord appelé « Société phocéenne de crédit », est rebaptisé peu après « Crédit universel, société de crédit pour l’expansion économique ». Pensé comme un « drugstore financier », il s’adresserait à tous, sur tout le territoire, avec un large éventail de produits.

Financements tous azimuts

L’aventure est lancée en août 1955. La famille Altieri-Biaggi contrôle les deux tiers du capital et s’appuie principalement sur la compagnie d’assurances Union (future UAP). La Banque de l’Indochine, le Crédit lyonnais, le Comptoir national d’escompte de Paris, la Banque de Paris et des Pays-Bas et les Compagnies d’assurances alsaciennes complètent le pool des actionnaires.


Biaggi imagine une société de type « couteau suisse », proposant des financements divers et variés, tout en ciblant une très large clientèle : des crédits et locations avec promesse de vente d’autos, bateaux, caravanes, camping-cars, véhicules utilitaires, poids lourds, adressés aux particuliers, commerçants, artisans, professions libérales ; des prêts personnels, des crédits-bails sur du matériel d’équipement, automobiles, utilitaires légers, poids lourds ; des prêts immobiliers pour les entreprises proposant des agencements de fonds de commerce, des crédits stocks, des avances sur financement, des avances sur commissions, affacturage, facilités de caisse, des comptes chèques, comptes à terme, sur livret, bons de caisse, bons d’épargne pour la banque au quotidien.

1961-1967 : mise sur orbite du Crédit universel

Mise en place d’une architecture juridique originale pour héberger et développer tous les services proposés

En 1961, une société en participation est créée avec la constitution de « filiales », formant la Compagnie universelle de Banque (Foncia-Crédit au départ): le Crédit Universel se consacre au crédit à la consommation pour les particuliers et les PME ; Unifimo est une union d’épargne et de crédit pour le financement immobilier et une entreprise de crédit différé ; Locunivers propose la location mobilière de véhicules automobiles, de bateaux de plaisance et matériels divers, et des prêts causés ; Locationfor est dévolu à la location, tandis qu’Universal Factoring, à l’affacturage. Toutes ces « filiales » sont des partenaires du groupe à part entière, participant chacune d’elles au chiffre d’affaire global de la structure.

En janvier 1962, la société du Crédit universel et le Crédit universel obtiennent l’agrément de la Banque de France, la première devenant la holding du Groupe. Cette même année, le titre du Crédit universel est autorisé à être introduit à la Bourse de Paris et en mai 1967, le siège social de la Compagnie universelle de Banque est transféré de Marseille à Paris.

L’ambition nationale du groupe est clairement établie.

1962-1982 : un développement rapide

Parce que la vocation de la banque était tournée vers les besoins de tous sans exception, il fallait être présent partout. Un réseau d’agences/points de vente est mis sur pied : 20 en 1962, 57 en 1972 employant 620 personnes, pour un chiffre d’affaires de 146 millions de francs.

1972 : UAP devient actionnaire principal du groupe

A ce stade de développement, les ressources de la famille Altieri-Biaggi ne permettent plus d’assurer la croissance de l’établissement et l’UAP prend la majorité du capital du Crédit Universel, qui fusionne alors avec la Compagnie de Banque. L’expansion s’accélère: en 1980, le Groupe compte 72 agences, 850 collaborateurs, pour un chiffre d’affaires de 1200 millions de francs. Les ventes se font via les agences ou un réseau de correspondants comprenant 12 000 partenaires en 1979.

1979 : nouveaux produits

En 1979, à la suite de la libéralisation du crédit à la consommation, le Groupe se lance également dans les prêts personnels et prêts revolving. Des crédits conso, leasing, revolving, prêts personnels, crédit immobilier sont proposés aux particuliers ; aux entreprises – des financements à court et à moyen termes, et des crédits immobiliers. L’activité banque, quant à elle, est conservée.

1982 : entrée dans le groupe de la Banque nationale de Paris (BNP)

En 1982, la nationalisation de la plus grande partie du secteur bancaire fait craindre une concurrence de plus en plus vive des banques du secteur nationalisé, alors que le Crédit universel est resté dans le secteur privé. La BNP, quant à elle, cherche à élargir son offre dans le domaine du crédit à la consommation et renforcer ainsi son offre à destination des particuliers. Ces ambitions respectives scellent leur union : le Crédit universel devient une filiale du groupe BNP, qui prend une participation à hauteur de 66,69% du groupe marseillais. L’UAP garde une participation d’environ 20%, tandis que la famille Altieri-Biaggi ne conserve que 6% du capital.

Un groupe synonyme de souplesse, adaptation et réactivité

Employant 850 personnes, l’établissement dispose de solides positions sur l’ensemble du territoire national: 75 agences réparties en 48 guichets bancaires, 18 agences de crédit et 9 bureaux de crédit rattachés à des agences. Ce large réseau traite 277 000 dossiers clients, pour des encours mensuels moyens d’environ 250 millions de francs, et une production annuelle de 3 milliards de francs. Il occupe la 4e position en France parmi les institutions financières spécialisées, après la Compagnie bancaire (Cetelem, Cardif, etc.), la Sovac et Sofinco, ses concurrents naturels.
Diversifiées, ses activités sont traitées à 85% par des prescripteurs, le crédit à la consommation en représentant près des 50% (essentiellement pour les voitures, puis avions et caravanes). Pour le reste, logé dans un ensemble de sociétés spécialisées, le groupe propose du crédit aux entreprises (crédits d’investissements ou crédits-bails aux entreprises, location de voitures), du crédit-bail immobilier et de l’affacturage, qu’il a contribué à développer en France.

Le choc des cultures : un établissement financier régional à vocation nationale versus un grand groupe à vocation internationale

Mais en 1985, suite à la cession définitive de la participation de la famille Altieri-Biaggi dans le groupe, la BNP renforce sa participation dans le capital du Crédit Universel à hauteur de 69,18%. L’établissement doit affronter la concurrence très rude des institutions bancaires et des réseaux mutualistes.

Une entreprise bien gérée, mais perturbée par les évolutions de marché

L’activité du Crédit universel reste très liée à la conjoncture économique du fait de sa forte présence dans le domaine du crédit automobile, avec 40 000 véhicules financés par an. Cette spécialisation le rend vulnérable face à des constructeurs qui se dotent de leurs propres organismes de financement. A partir de 1987, l’établissement subit les effets du « désencadrement du crédit » : dans un contexte de libéralisation de la sphère financière, les banques de dépôts, comme le groupe BNP, peuvent désormais offrir aux particuliers toute la gamme des crédits (logement et consommation) que distribuaient auparavant uniquement les établissements spécialisés.

1985-1987 : restructuration des activités

Le groupe BNP recentre ainsi la stratégie du Crédit universel sur le crédit par prescripteurs (crédit auto, leasing, affacturage, prêts personnels, crédit différé, épargne crédit) en réduisant fortement ses activités de banque de dépôts. Si la vocation du Crédit universel est conservée, son actionnaire principal et majoritaire cherche à créer des synergies d’affaires, dans le but de diversifier son offre et fidéliser sa clientèle.

Marquer sa spécificité et valeur ajoutée

Le Crédit Universel doit répondre à ces nouveaux défis : il conforte son image dans le domaine des loisirs, dont le secteur a progressé de 15% (bateau, avions, caravanes, motos), devenant l’un des quatre grands spécialistes français de la plaisance. Il parraine ainsi en 1987 un jeune navigateur dans la course en solitaire du Figaro, qui se classe 6e de la compétition.
Parallèlement, il se développe fortement dans les domaines du financement aux professionnels et entreprises, l’affacturage et l’immobilier : crédit-bail et location prennent le pas sur le crédit classique dès 1986. En effet, dans un contexte général de limitation du crédit à la consommation, les financements du Crédit universel au service des clients de BNP sont un atout considérable, permettant de fidéliser la clientèle : le financement du leasing est assuré par Locunivers, l’affacturage (factoring) par Universal Factoring, le revolving par le Crédit universel.

Début des années 1990 : une croissance contrariée

Mais près de dix ans après son rattachement à la BNP, le Crédit Universel garde une taille relativement modeste : 91 agences en 1990 pour 335 000 dossiers clients, ce qui représente pour la décennie une croissance d’à peine plus de 2% par an. Malgré une progression de ses résultats et de ses activités, les structures du Crédit universel ont peu évolué : il n’a développé qu’une seule filiale internationale, la Credifimo, créée en 1984 en Espagne avec la BNP España.

Vers une rationalisation de l’activité : industrialisation de la production et renforcement des relations avec BNP

Fin 1991, a lieu un rapprochement entre le Crédit universel et BNP Bail, filiale 100% BNP et héritière de Natio Equipement, créée en 1972 et spécialisé dans le crédit-bail (leasing) mobilier et immobilier et la location. Le rôle des deux sociétés est redéfini : BNP Bail doit répondre aux attentes spécifiques des clients BNP dans le domaine du crédit-bail et de la location, tandis que le Crédit universel se voit confier les métiers du crédit à la consommation, crédit-bail et location par prescripteur pour les particuliers et les entreprises non clientes de BNP, revenant ainsi à son métier d’origine. Les activités de leasing, quant à elles, fusionnent.

1994-2000 : fusions en cascade

La réorganisation se poursuit et donne naissance en mai 1994 à BNP Factor SA, résultat de la fusion entre BNP Factor SNC, filiale de BNP Bail par le biais de Naciocrédit, avec Universal Factoring, une des filiales de Crédit universel. L’objectif est de permettre à l’affacturage, activité déficitaire pour les deux structures, de se développer. En 1995, le Crédit universel devient filiale à 100% de BNP par le biais de Natio crédit SA, avec le double statut de banque et d’établissement financier.

En mai 1998, BNP Bail et Crédit Universel fusionnent et donnent naissance à BNP Lease, dotée de 90 points de vente. La marque Crédit Universel est conservée pour l’ensemble de l’offre à la clientèle des particuliers. Le nouvel ensemble emploie 1350 personnes, et totalise une production de 20 milliards de francs pour un encours de 54 milliards de francs. BNP Lease se développe selon trois axes: une politique de services à forte valeur ajoutée, des acquisitions et des partenariats, et une offre commerciale à dimension européenne. Elle représente une part de 6,5 % du marché du financement automobile.
Enfin, à la suite de la constitution du Groupe BNP Paribas en 2000, BNP Lease et la Compagnie bancaire, groupe numéro 1 en France spécialisé dans les services financiers et faisant partie de Paribas, se rapprochent la même année et forment BNP Paribas Lease Group, créant un grand groupe para-bancaire en Europe, et opérant sous la marque BNP Paribas Leasing Solutions. La marque Crédit universel s’efface alors pour donner plus de visibilité à la nouvelle entité.

Conclusion

L’histoire du Crédit universel épouse parfaitement les circonvolutions de l’histoire économique française: l’établissement a su construire une offre répondant concrètement aux besoins de la reconstruction d’après-guerre, couplés avec l’ère de la consommation de masse. Puis, grâce à une stratégie dynamique et agressive commercialement, la banque a étoffé ses financements spécialisés, devenant un des acteurs incontournables de la scène financière française. S’adosser à la BNP lui a permis d’apporter son expertise dans le domaine de marchés spécialisés, tout en s’adaptant au rythme imposé par le Groupe bancaire.

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