La Maison Dorée – du rendez-vous du Tout Paris à la banque tournée vers l’international

Temps de lecture : 14min Nombre de likes : 15 likes Mise à jour le : 27 Oct 2023
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Tour à tour restaurant, brasserie de quartier, bureau de poste, immeuble composé d’appartements et de diverses boutiques, lieu de stockage d’archives, la Maison Dorée a connu mille vies avant de croiser le chemin de la Banque nationale de Paris (BNP) dans les années 1970. A cette période, elle devient un des projets phares de la banque en vue de son extension dans le centre-ville. Mais le projet a été semé d’embûches, dont la banque a su tirer parti, se faisant le promoteur de la sauvegarde d’un édifice patrimonial au service de sa stratégie d’implantation dans le centre de la capitale.

Une construction favorisée par l’essor des Grands boulevards

A la place du Café Hardy, très fréquenté sous l’Empire et la Restauration mais détruit en 1838, est construit un vaste ensemble dans le style néo-renaissance, la « Cité des Italiens », qui se prolonge rue Taitbout, et où s’installe un nouveau restaurant en 1841, fondé par Louis Verdier, appelé « Maison Dorée ». Victor Lemaire, promoteur de l’édifice, continue son projet de promotion en élevant des immeubles sur le côté et l’arrière de la Maison Dorée, terminant ainsi sa « Cité des Italiens » en avril 1844.

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Maison Dorée mi-XIXe siècle, Archives historiques BNP Paribas, 11Fi258

Le lent déclin pendant un demi siècle

En 1902, le restaurant Maison Dorée ferme ses portes, le centre de gravité de la vie parisienne s’étant déplacé vers le quartier de l’Opéra Garnier, et la clientèle se raréfie. S’en suit un lent déclin qui obligera le bâtiment à fermer ses portes en 1932. Le site est laissé à l’abandon.

Après la Seconde guerre mondiale, le bâtiment devient un lieu de stockage des archives pour la Compagnie d’assurances GAN [Groupe des assurances nationales]. Au début de l’année 1970, le GAN compte démolir le bâtiment pour en faire un hôtel, obtenant un permis de démolition sous réserve de l’obtention d’un permis de construire.

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Vue d’ensemble de l’immeuble, vers 1960. L’immeuble est la propriété de la Compagnie générale d’assurances de la vie (GAN). Archives historiques BNP Paribas, 6Fi157

S’inscrire dans le projet de la « Cité financière de Paris »

A la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’Etat mène une politique interventionniste dans l’aménagement du territoire, par l’implantation de structures administratives dans l’Est parisien. Il pousse par ailleurs à la création d’une Cité financière au cœur de Paris dans le quartier des Grands boulevards, en concentrant les sièges sociaux des grands établissements financiers que sont BNP, Société générale et Crédit lyonnais. La BNP, à court de surface pour installer ses équipes, notamment la division internationale qu’elle vient de renforcer, compte acquérir l’îlot qui jouxte son siège social du 16 boulevard des Italiens. Cela lui permettrait de centraliser ses différentes directions disséminées sur différents immeubles et quartiers (Haussmann, Bergère, Vendôme). Le projet doit aboutir en 1975.

Le 19 mai 1972, la BNP signe un premier acte d’acquisition auprès du GAN de l’îlot 20- 22 Italiens, 1-3 rue Laffitte et 2-4 rue Taitbout. Le second est acquis en juin 1973, pour les immeubles de la rue Taitbout afin d’obtenir l’ensemble de l’îlot que constituait la « Cité des Italiens ». Une reconfiguration d’ampleur du bâtiment est prévue par sa destruction complète et une élévation moderne.

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Album Maison Dorée, 1973-1976, Archives historiques BNP Paribas, 2Fi-3

La BNP souhaite aller vite car le besoin de places de travail est criant, ayant plusieurs directions à déplacer. Le président de la BNP, Pierre Ledoux, donne ses consignes en juillet 1972 sur ses attentes à la fois architecturale et organisationnelle concernant l’immeuble à construire. Pour lui, la référence en ce domaine se trouve dans les sièges sociaux des banques américaines et allemandes : l’immeuble doit être classique, homogène par rapport aux immeubles alentour, et fonctionnel.

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Maison Dorée, 1972, Projet de construction. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi519-2

Mais la Préfecture a été saisie par l’Association nationale pour la protection des villes d’art, qui coordonne l’action de groupements qui s’occupent de la défense, de la restauration et de la mise en valeur de quartiers et d’immeubles anciens. D’autres associations de défense du patrimoine s’en mêlent. Dès le printemps 1973, une campagne de presse s’organise dans les grands médias de presse écrite tels que Le Monde, Le Figaro, Charlie-hebdo.

Face à cette levée de bouclier, la responsabilité de la décision est transférée au Ministre de la Culture, Maurice Druon, qui vient d’être nommé. Il se déclare hostile au projet initial de démolition. Ceci amène la BNP à repenser rapidement son projet. Pour « débloquer » la situation, BNP acte le principe de conservation des façades d’origine sur les rues Laffitte et boulevard des Italiens au cours de l’été.

Mais rien n’y fait. Le Ministère reste ferme et souhaite le maintien de conservation des 3 façades aux 136 fenêtres sur les axes Laffitte, Italiens et Taitbout, condition sine qua non pour accepter le permis de démolition de l’arrière des bâtiments. Le projet est bloqué et le dialogue rompu.

Nouveau projet de la BNP : sauvegarde architecturale pour une implantation réussie

Après une période de tension entre les équipes du Ministère et de la banque, dans un entretien conjoint le 30 août 1973, Pierre Ledoux et Maurice Druon décident d’aplanir les difficultés.

Les travaux de réhabilitation

Les travaux de démolition des bâtiments non conservés s’étendent sur 5 mois, de septembre 1973 à février 1974. Le permis de construire ne sera accordé qu’un an plus tard, le 7 janvier 1975 : est prévue l’édification d’un bâtiment de bureaux de 6 étages en élévation et de 6 niveaux en sous-sol dont 2 de salles de réunion. Ce bâtiment sera à multiples adresses puisqu’il s’étend sur les adresses 22 boulevard des Italiens, 1 & 3 rue Laffitte, 2-4-6-8 et 10 rue Taitbout.

Ce projet incorpore une architecture fleurie dans une architecture contemporaine, d’une très grande sobriété, et en ménageant la rupture ancien-moderne par un jardin ouvert sur la rue. Derrière donc la précieuse façade du boulevard se cache un iceberg qui occupe autant de surface sous terre qu’au-dessus, ce qui était encore permis à l’époque du permis de construire sur la base des normes de 1972.

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Maison Dorée, 1986, Archives historiques BNPP, 1Fi510-6
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Maison Dorée, 1986, Archives historiques BNPP,1Fi515-2

Dans le sous-sol du bâtiment, hormis les 300 places de stationnement, se trouvent des salles de réunion dont la plus grande, de 500 places, sera baptisée « l’Aquarium », à cause des teintes bleues des fauteuils et des moquettes. Au total, la réfection et l’édification sur toute la surface de l’ancienne Cité des Italiens aura couté 82.426.600 francs en 1976. Le maintien de la façade de la Maison dorée n’aura occasionné qu’un surcoût de 10 millions de francs.

Les premières réunions dans le nouveau bâtiment se tiennent dès l’automne 1976. Cette « annexe Laffitte » se veut la vitrine de la BNP, regroupant la DTAI, la DRAFEX, et la division internationale.

La Maison dorée: une ouverture vers l’international

La Maison Dorée sera le théâtre de séminaires internationaux et de visites de personnalités étrangères et du monde économique français qui se poursuivent durant de nombreuses années.

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Maison Dorée, juin 1989, Archives historiques BNP Paribas, 10Fi51-2

Lieu pour le débat économique

Sous l’impulsion de la direction de la Communication, « Les entretiens de la Maison dorée » vont constituer un moment important dans la vie de la banque, avec des cycles de conférences pour les collaborateurs sur des thématiques variées. En 2006, « Les 20 ans des entretiens de la Maison dorée » ont conclu un cycle bien fourni.

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Visite de Pierre Bérégovoy, reçu par René Thomas, 8 février 1985, Archives historiques BNP Paribas, 10Fi423

La salle des marchés, le centre névralgique

La salle des marchés est ouverte en 1987 sur 1200 m², première salle des marchés à Paris, elle fait salle comble dès 1990 et se révèle trop exiguë malgré ses 110 desks.

Développement des activités oblige, une nouvelle salle des marchés « actions » est donc ouverte sur deux étages. La fusion en un seul lieu de tous ces spécialistes permet ainsi d’offrir aux clients un service rapide et complet sur l’ensemble des transactions en valeurs mobilières à Paris comme à l’étranger. Mais l’explosion des marchés et des transactions financières nécessite une nouvelle salle des marchés : une nouvelle salle de 1100m² est ouverte en septembre 1994.

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Maison Dorée, inauguration de la salle des marchés, mai 1987, 4Fi342-11

Vitrine pour des manifestations culturelles

La Maison dorée devient le lieu pour d’importantes manifestations culturelles. Concerts, expositions, lancement de concours sous le patronage de personnalités de la vie culturelle française, colloques, remises de prix de cinéma et soirées lyriques rythment la vie de la banque, devenu un acteur incontournable de la vie économique français et européen, et un passeur culturel actif.

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Affiche invitant à une conférence donnée par l’académicien Jean-Marie Rouard dans le cadre des « Rencontres de BNP Paribas » à la Maison Dorée, 15 juin 2006, Archives historiques BNP Paribas, 2AF452

Pour aller plus loin, découvrez le livret de l’exposition consacré à la Maison Dorée qui s’est tenue en mai-juin 2023

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