BNP Paribas Fortis et la Grande-Bretagne pendant les deux guerres mondiales

Mise à jour le : 28 Oct 2024
Archives historiques BNP Paribas

Archives historiques BNP Paribas

Découvrez à travers deux documents, comment BNP Paribas Fortis, installée à Londres durant les deux conflits mondiaux, a contribué à aider les pays Alliés et la Grande-Bretagne.

Le premier document est une lettre d’Edmond Carton de Wiart, directeur de la Société Générale de Belgique [banque ancêtre de BNP Paribas Fortis] réfugié à Londres, à son frère Henri, ministre belge de la Justice, en exil au Havre.

Le second – un épisode relatant l’engagement d’un employé de la Banque Belge pour l’Etranger (BBE) aux côtés des forces britanniques pendant la Seconde guerre mondiale.

Eléments de contexte

Entre 1914 et 1918, tout comme pendant les années 1940-1944, Londres accueille le siège de la Banque Belge pour l’Etranger (BBE, ancêtre de BNP Paribas Fortis) à Londres. Elle devient le centre névralgique des activités du groupe de la Société générale de banque (ancêtre de BNP Paribas Fortis) hors Europe occupée, et sert la cause alliée et la Belgique envahie par les Allemands. Dirigée par un « local board » composé et présidé par de personnalités anglaises, la banque tient le rôle de coordinateur des opérations financières du Groupe. Elle vient en aide aux Belges en exil, soutient les œuvres de guerre, collecte des fonds en faveur de la Commission for Relief in Belgium (CRB) et est chargée du transfert des fonds de cet organisme, auquel elle fait des avances à découvert.

Banque belge pour l'Etranger (BBE), Bishopsgate, Londres, Archives historiques BNP Paribas Fortis
Banque belge pour l’Etranger (BBE), Bishopsgate, Londres, Archives historiques BNP Paribas Fortis

La Grande-Bretagne a permis à la Belgique, en accueillant la Société générale de Belgique, mais aussi une partie du Gouvernement belge, de survivre pendant les deux conflits mondiaux, notamment en l’aidant à ravitailler sa population et à financer des fonds de solidarité.

Réfugiés belges hébergés au Alexandra Palace, Londres, 1914-1918, publié en 1923, New York Public Library Digital Collections
Réfugiés belges hébergés au Alexandra Palace, Londres, 1914-1918, publié en 1923, New York Public Library Digital Collections

De son côté, en 1940-1944, la Banque du Congo Belge (fondée en 1909 et appartenant à la Holding de la Générale de banque), installée à Londres dans les locaux de la BBE Overseas Ltd, s’engage auprès de la Banque d’Angleterre, à partir de juin 1940, à financer en devises internationales toutes les importations britanniques de matières premières en provenance du Congo belge.

Banque belge du Congo, siège de Londres, Copthall Avenue, façade immeuble, n. d., Archives historiques BNP Paribas Fortis
Banque belge du Congo, siège de Londres, Copthall Avenue, façade immeuble, n. d., Archives historiques BNP Paribas Fortis

La « Commission for Relief in Belgium » hébergée à Londres

Edmond Carton de Wiart, 1908, Archives historiques BNP Paribas Fortis
Edmond Carton de Wiart, 1908, Archives historiques BNP Paribas Fortis

Lettre [apocryphe] d’Edmond Carton de Wiart, directeur de la Société Générale de Belgique réfugié à Londres, à son frère Henri, ministre belge de la Justice en exil au Havre

Londres, 4 Bishopsgate, le 6 juin 1916.

Mon cher ministre, cher Henri.

Voilà un mois que je ne t’ai écrit, et tu dois te demander si je vis encore… Rassure-toi, mon récent voyage aux States est la seule cause de la désorganisation de mon courrier.

Quel destin que le nôtre ! Tous deux en exil, toi en France, moi à Londres… Voici maintenant près de deux ans que, bon gré, mal gré, j’ai dû renoncer à aller me battre et que je me contente de servir la cause nationale d’une manière plus paperassière. Va savoir si je suis plus utile comme cela ? Jadot et Francqui me disent que oui, que je suis « the right man in the right place ». Quand Anvers est tombée, ce sont eux qui ont insisté pour qu’un des membres du conseil de direction de la Société Générale gagne Londres, de façon à rester en contact avec les filiales du groupe actives au Congo, en Chine ou ailleurs . Je dois reconnaitre que les bureaux de la Banque Belge pour l’Étranger, au cœur de la City, sont plus confortables que les tranchées de l’Yser. Et puis, heureusement, mon rôle ne se limite pas à veiller aux intérêts industriels et financiers du groupe !

Ceci m’amène à te dire un mot de l’organisation du ravitaillement du pays. Tu m’écris que le gouvernement belge se méfie de Hoover et a du mal à confier des fonds aussi importants à un particulier, fût-il américain et ingénieur. Comme « ton » gouvernement m’a nommé « son » représentant au sein de la Commission for Relief in Belgium, laisse-moi te donner en peu de mots mon avis sur le sujet.

Selon moi, Hoover est l’homme providentiel. Il est celui qui a mis la mécanique du « Relief » en place . Grâce à lui, nous pouvons acheter aux États-Unis les denrées qui permettent à 7 millions de Belges et à 1 million de Français de ne pas mourir de faim sous la botte allemande . J’étais là, lors de ses négociations avec les autorités britanniques, quand il a arraché de ces messieurs de la Navy l’autorisation pour les navires de la CRB de franchir le blocus maritime. Je peux te dire que sans l’énergie de Hoover, le froment que le gouvernement belge achète à l’Oncle Sam n’aurait jamais atteint Anvers et Amsterdam ! Hoover a son caractère, certes, il aime être encensé, mais c’est un homme droit et fichtrement efficace. Enfin, sois assuré que la Banque Belge, comme banquier du Relief, contrôle soigneusement tous les mouvements sur les comptes qui lui sont ouverts . […]

Acte de bravoure d’un employé de la BBE durant le Second conflit mondial

Une « Victoria Cross » à la Banque Belge pour l’Étranger

Victoria Cross, Bibliothèque du Congrès
Victoria Cross, Bibliothèque du Congrès

La « Victoria Cross », une des plus hautes distinctions décernées par l’Empire britannique,  récompense des actes de bravoure exceptionnels (« conspicuous bravery ») : en 150 ans d’existence, elle a été accordée à moins de 1400 reprises. Parmi les héros qu’elle honore, un employé de banque – le seul peut-être : George-Albert Cairns.

Jusqu’à la guerre, Cairns avait eu un destin des plus paisibles. En 1931, à l’âge de 18 ans, il était entré à la Banque Belge pour l’Etranger comme « correspondant français » (ses études au Lycée français de Londres avaient fait de lui un parfait bilingue). Il partageait ses moments libres entre l’étude (il préparait un examen à l’Institute of Bankers) et le club sportif de la banque, où il pratiquait le football. En 1941, il épousait une de ses collègues à la Banque, Ena Duffy. Mais moins d’un an après, il était appelé sous les armes. Destination : la Birmanie. Ena Duffy : « notre adieu fut terrible : une tasse de thé à Londres, un cinéma et un souper rapide avant qu’il ne prenne le train. Je ne l’ai jamais revu ».

Affecté à un régiment de la 77e Independent Infantery Brigade, le lieutenant Cairns participe en Birmanie à la campagne contre l’armée japonaise. Une lutte des plus rudes, contre des forces supérieures en nombre, dans une jungle hostile et étouffante à laquelle les troupes britanniques ne sont pas accoutumées. Début 1944, voulant enrayer la progression des troupes japonaises arrivées aux portes des Indes, l’État-Major monte une opération commando pour détruire les lignes de communication nipponnes. Le 5 mars, le 1st South Staffordshire Regiment, où Cairns est lieutenant, est largué par planeur loin à l’intérieur des lignes ennemies. Le 12, il s’empare du lieu-dit « Henu-Blok », coupant les lignes de communication japonaises. Mais le 13 à l’aube, les Japonais contre-attaquent violemment. Le South Staffordshire Regiment reçoit l’ordre de se rendre maître de la hauteur d’où part l’attaque japonaise. Les combats sont acharnés. Au sommet de la colline, dominée par une pagode blanche, et sur une surface « pas plus grande que deux courts de tennis », les belligérants se battent au corps à corps.

South Staffordishe Regiment, Bibliothèque du Congrès
South Staffordishe Regiment, Bibliothèque du Congrès

Le lieutenant Cairns est sabré par un officier japonais qui lui coupe le bras gauche. Malgré la douleur, Cairns tire à bout portant sur l’officier avec son révolver, ramasse l’épée du nippon et, frappant à gauche et à droite, tue et blesse plusieurs ennemis avant de tomber lui-même. Galvanisés par son exemple, ses compagnons mettent finalement les Japonais en déroute (« a very rare occurrence at that time »). Cairns, frappé encore de plusieurs coups de baïonnette, s’effondre. Il mourra dans les heures qui suivent, non sans s’être enquis anxieusement du sort des combats auprès de son chef, le commandant Calvert : « Have we won Sir ? Was it allright ? Did we do our stuff ? ».

L’exploit de Cairns, tout exceptionnel qu’il fût, faillit tomber dans l’oubli : les témoignages relatifs à ce fait « digne d’un paladin médiéval » furent détruits le 24 mars dans le crash de l’avion qui transportait le général Wyngate. Mais l’épouse de Cairns avait appris les exploits de son mari par quelques lettres de ses camarades. À force de ténacité, et avec l’aide de la banque, elle réussit à faire rouvrir le dossier et reconnaître l’héroïsme de son époux – qu’elle-même n’avait jamais connu que comme « un homme tranquille et bon ». Celui-ci se vit finalement attribuer la Victoria Cross en mai 1949. Un an plus tard, la banque inaugurait un mémorial en ses locaux, en présence notamment de l’administrateur de la Banque de la Société Générale de Belgique, Pierre Bonvoisin. L’occasion d’un hommage émouvant à un employé qui avait accompli «  un acte de bravoure qui ne pouvait être le fait d’un insouciant ou d’une inspiration soudaine mais plutôt la conséquence logique d’une vie de travail et d’un caractère solidement trempé ».

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