Accueil / Articles / La British & French Bank (1947-1974), un pont entre la France et le Royaume-Uni La British & French Bank (1947-1974), un pont entre la France et le Royaume-Uni Temps de lecture : 23min Nombre de likes : 0 likes Mise à jour le : 9 Déc 2021 La British & French Bank (1947-1974), un pont entre la France et le Royaume-Uni - Histoire BNP Paribas Tags :International . Royaume-Uni Filiale anglaise de la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) créée en 1947 afin de lui permettre de développer son activité à Londres au sortir de la Seconde guerre mondiale, la British & French Bank a été une des principales banques ancêtres du Groupe BNP Paribas au Royaume-Uni. Elle a été l’étendard franco-anglais des relations commerciales, financières et diplomatiques entre la France et la Grande-Bretagne. A bien des égards, cette institution servit d’outil d’expansion commerciale pour les Empires anglais et français dans leurs colonies africaines. La naissance d’une banque anglaise à capitaux majoritairement français Le 11 mars 1947, la succursale londonienne de la Banque nationale du commerce et de l’industrie (BNCI), installée depuis 1938 dans la capitale britannique, devient une filiale de droit anglais, et prend le nom de British & French Bank (for Commerce and Industry) Limited. En 1956, par résolution spéciale, elle deviendra la British & French Bank Ltd (B&FB). Déjà en février 1941, quand tous les avoirs français sont « gelés » et placés sous le contrôle de la banque d’Angleterre, l’agence de la BNCI à Londres évoque la création d’une banque de « droit anglais » qui fonctionnerait en parallèle avec sa succursale londonienne. L’idée est soutenue par le siège de la BNCI à Paris, prêt à financer le projet d’achat de la British Bank for Foreign Trade. Une « banque anglaise » gérerait ainsi toutes les affaires « purement anglaises » et permettrait de développer d’une façon beaucoup plus active le « caractère britannique » de la BNCI, chose impossible pour la succursale française à Londres, soumise au contrôle des autorités britanniques. Contrat de vente BNCI-BFB 28-03-1947, BNP Paribas Historical Archives La nouvelle banque – British & French Bank (for Commerce and Industry) Limited – reprend, partiellement, le nom de son parent français, et témoigne ainsi de l’effort des deux parties de créer une structure conjointe : les Britanniques fournissent la main d’œuvre et les Français, les capitaux. B&FB – S. G. Warburg Co preference share agreement, 28-03-1947, Archives historiques BNP Paribas La nouvelle entité, de droit exclusivement britannique, est détenue à 60% par la BNCI et à 40% par S. G. Warburg & Company Ltd – banque associée anglaise, spécialisée dans l’investissement et disposant d’un large crédit à Londres. C’est la BNCI qui détient l’ensemble des actions ordinaires dans le capital, et qui possède ainsi le droit de vote majoritaire. Les actions privilégiées, quant à elles, sont réparties entre les institutions financières britanniques. Le conseil d’administration est présidé par un « chairman » britannique, Sir S. Findlater Stewart (il restera à ce poste jusqu’en 1959), et composé à parité d’administrateurs britanniques et français. B&FB ordinary shares application 11-04-1947, Archives historiques BNP Paribas Notons que tous les « chairmen » nommés à la tête de la B&FB sont d’anciens diplomates de carrière. Cela pourrait s’expliquer en partie par la spécificité de la banque, un établissement à la double nationalité – « franco-britannique », et qui mieux qu’un diplomate pour la représenter et surtout gérer les subtilités et particularités culturelles et managériales propres aux deux pays. L’ADN de la British & French Bank (B&FB) Tandis qu’elle doit faire face à la croissance de son volume d’affaires, cette transformation juridique assure à l’ancien siège de la BNCI des moyens sur les opérations de changes que la législation française ne lui donne pas et que les banques étrangères en Angleterre ne sont pas en mesure de se procurer. La nouvelle institution sert donc de pivot pour toutes les opérations sterling du Groupe, avec pour objectif de développer les échanges entre les zones sterling et franc. Très vite, la banque offre une large gamme de services et de financement aux entreprises françaises qui ont des projets d’installation en Grande-Bretagne. Elle étend ses opérations au commerce international, se spécialisant dans le financement du commerce entre les pays du Commonwealth et la France avec ses colonies. B&FB (For Commerce and Industry) Limited, Siège, 33 King William, 1947, Archives historiques BNP Paribas L’établissement bénéficie du crédit de sa maison mère, la BNCI, qui lui permet une relation bancaire directe et rapide avec la métropole – un avantage certain pour une société d’ascendance française établie en Grande-Bretagne. Ainsi, une société anglaise qui achète ou vend en France ou dans un pays où la banque est installée, obtient par cet intermédiaire les renseignements commerciaux et l’aide financière qui lui sont nécessaires. Elle est également assurée d’une exécution plus rapide de ses transactions lorsqu’elles se nouent au sein d’un même réseau bancaire. Parmi les clients de la B&FB, des entreprises françaises de l’automobile (Renault, Dunlop), du textile (le Groupement d’importation et de répartition de la laine, la Compagnie lainière), ou des sociétés anglaises d’import-export. Implantation d’une filiale de la B&FB au Nigéria et développement d’un vaste réseau Fin 1949, la British & French Bank ouvre sa première succursale à Lagos, au Nigéria. Sous protectorat britannique depuis 1906, le pays, en plein boom économique, est la pierre angulaire de l’accroissement des échanges économiques en Afrique de l’Ouest. Les territoires coloniaux de la France et de la Grande-Bretagne sont mitoyens et les raisons de cette implantation servent aussi bien les intérêts britanniques que français. Boîte d’allumettes de la BNCI Afrique, recto, n. d., Archives historiques BNP Paribas ]La BNCI avait pris son essor à l’international en se tournant vers l’outre-mer durant l’occupation allemande en France[6]. La banque française se constitue ainsi un réseau d’agences qui couvre en une dizaine d’années tous les grands territoires africains, où elle profite du développement de nombreuses activités. Et c’est essentiellement par le Nigéria que passent les courants commerciaux de certains des territoires français avoisinants. La BNCI possède des sièges, points d’origine ou d’aboutissement d’une part considérable des opérations bancaires liées à ces courants. Une banque au Nigéria ne pouvait que faciliter cette tâche et servir le commerce des territoires français. Boîte d’allumettes de la BNCI Afrique, verso, n. d., Archives historiques BNP Paribas Pour la B&FB, ses relations privilégiées avec la BNCI doivent lui faciliter les échanges commerciaux et financiers avec les banques des colonies françaises. De plus, les débouchés, de plus en plus variés et importants du fait de l’enrichissement du pays, ont amené des entreprises aux activités les plus diverses à s’y intéresser (travaux publics et privés, transports, distribution d’énergie, etc.). Par ailleurs, seulement deux banques britanniques y étaient implantées à l’époque (Bank of British West Africa et la Barclay’s Bank D. C. O.) et offraient de bonnes perspectives de croissance. Ainsi, la BNCI garantit à la B&FB, au terme d’un accord conclu le 24 mars 1950 et pour une période de 5 ans, « d’éviter les premiers déficits éventuels d’exploitation qui résulteraient de […] nouveau siège à Lagos (Nigéria) et qui auraient pour résultat de réduire […] bénéfices à un montant inférieur à celui nécessaire au paiement du dividende fixe pour les actions privilégiées de votre société ».D’après une mention spéciale dans le rapport d’activité de la BNCI pour l’année 1950, dès sa première année d’exploitation, l’agence de Lagos apporte déjà « un appréciable complément d’activité ». Durant les années suivantes, le réseau de la B&FB s’étend dans tout le pays, avec l’ouverture de sièges à Kano (1953), Ebute Metta (1955), Port-Harcourt et Apapa (1956), Ibadan (1958), Kaduna (1960) et Enugu (1961). Agence de la B&FB, Nigeria, N. D., Archives historiques BNP Paribas Agence de la B&FB, Nigeria, N. D., Archives historiques BNP Paribas Agence de la B&FB, Nigeria, N. D., Archives historiques BNP Paribas Création de l’Union Bank of Africa En 1958, une nouvelle législation bancaire est introduite au Nigéria, préalable à l’établissement d’une banque centrale en 1959 et à l’application d’une nouvelle ordonnance bancaire venant renforcer le contrôle sur les banques. En 1960, le Nigéria accède à l’indépendance avec 17 autres territoires africains, devenant le pays le plus important de l’Afrique de l’Ouest, si ce n’est de tout le continent africain. Dans les années 1958-1960, la BNCI et la B&FB font un travail de repérage dans le pays et, sur la foi de plusieurs rapports de voyage, fondent de grands espoirs sur les perspectives de développement du pays. L’établissement d’une banque de droit nigérian est décidé, sur la base du réseau déjà existant de la B&FB dans le pays. Carte du Nigéria, 1961, Librairie du Congrès Cette création offre un avantage politique indéniable, permettant ainsi de prendre part au financement d’un certain nombre de grands projets, comme celui de l’élargissement des ports de Port-Harcourt ou Lagos, ou de l’extension des voies ferrées dans le nord-est du pays. Il est par ailleurs suggéré de proposer deux sièges à des Nigériens au sein du comité consultatif de la nouvelle banque, dont un à la femme du ministre de la Justice du Nigéria. Le réseau de ces deux personnalités ne manquera pas de stimuler la croissance et les projets de la banque dans le pays. BNCI, siège de Lagos, partage avec la Bristish & French Bank, fin 1961, Archives historiques BNP Paribas L’Union Bank of Africa (UBA) est fondée en 1961. D’autres banques étrangères sont invitées à prendre part au projet et l’actionnariat final se répartit comme suit : 58% pour la British & French Bank, 20% pour la Banque nationale africaine (holding suisse Swiss holding company), 12% pour la Banca Nazionale del Lavoro et 10% pour le Bayerische Vereinsbank Group.En janvier 1973, le gouvernement nigérian prend une participation dans l’institution financière de 37,9%, laissant à la B&FB 32,5% ; puis en septembre 1976, cette participation passe à 48,9%, la BNP Limited (ancienne B&FB) conservant 25,5%. UBA agence centrale, Raymond House, hall de la banque, Lagos n. d., Archives historiques BNP Paribas Activité et modèle économique de la B&FB Grâce à cette double implantation géographique – britannique et africaine, la B&FB combine les activités classiques de son siège de Londres avec des opérations plus risquées de ses succursales nigérianes. UBA, agence centrale à Lagos Raymond House, guichets de la banque, n. d., Archives historiques BNP Paribas UBA, agence centrale au Lagos, Raymond House, guichets de la banque , n. d., Archives historiques BNP Paribas[/caption]En effet, comme les épargnants et déposants sont encore peu nombreux au Nigeria, les opérations courantes du côté nigérian doivent être financées par des avances de Londres. La partie londonienne, quant à elle, dépend aussi bien des fonds détenus par ses clients, des clients attirés par l’appartenance au groupe de la BNCI, que des dépôts substantiels de la BNCI elle-même, qui détient également la totalité des actions de l’institution bancaire : « Grâce aux importants dépôts permanents maintenus à Londres par la BNCI, il nous a été possible de financer nos activités au Nigeria en mettant quelque 3 millions de livres sterling à la disposition de nos succursales dans ce pays ». Ainsi, le Nigéria permet à la banque d’acquérir la clientèle de la plupart des gros courtiers en produits de Londres, comme Faure & Fairclough, Oversea Buyers Ltd (UTC), Bunge (et Warinco Zurich), British Italian Trading ou des entreprises d’activité diverses, comme United Transport, National Cash Register (London), le Groupe André de Lausanne, Noga de Genève ; d’autres ont leurs comptes à Londres, mais établis au Nigéria, comme la Société commerciale de l’Ouest Africain (SCOA) qui a ainsi drainé une large communauté libanaise, de grandes sociétés commerciales européennes, dont plus de 70 % de son chiffre d’affaires se fait à l’étranger, des sociétés pétrolières et quelques entrepreneurs étrangers. Outre les clients britanniques ou ayant leur quartier général d’Europe à Londres, les clients de la B&FB à Londres se répartissent entre une clientèle indienne expatriée, dont les activités commerciales et financières s’exercent entièrement et exclusivement en dehors des Indes, avec Londres comme pivot pour leurs affaires, et des clients Grecs, qui possèdent des comptes de dépôts substantiels. Accueil d’un stagiaire nigérian à Londres, 1960, Archives historiques En vue d’acculturer les employés britanniques à l’esprit et aux méthodes de la BNCI, des stages de courte durée à Paris sont mis en place pour un certain nombre de collaborateurs de la B&FB. De même, la banque institue un système de promotion pour les collaborateurs nigérians qui seront amenés à occuper des postes à responsabilité, en initiant un système de formation à Londres pour les plus « prometteurs », d’une période limitée à 3 mois. Passage de relais à la Banque nationale de Paris Limited (BNP Ltd) Suite à la fusion en France de la BNCI avec le CNEP en mai 1966 pour former la BNP, la nouvelle banque souhaite consolider son business au Royaume-Uni. Pour ce faire, la filiale du CNEP à Londres fusionne avec la British & French Bank Limited en 1967, toujours sous la direction de Sir John Balfour (dirige la B&FB depuis 1959). La nouvelle entité s’installe dans les bâtiments occupés par le CNEP au 8/13 King William Street et ses employés passent sous le pavillon de la nouvelle banque. Son capital s’accroit de £2 000 000 à £3 000 000. Sir J. Balfour (1894–1983), Archives historiques BNP Paribas Sir P. Reilly, (1909-1999), Archives historiques BNP Paribas Ce n’est que le 29 mars 1974, sous la houlette de Sir Patrick Reilly, que la Banque nationale de Paris Limited (BNP Ltd) succède à la British & French Bank Ltd, pour devenir en 1981 la Banque nationale de Paris p. l. c (BNP p. l. c.). Des raisons de stratégie de développement expliquent cette attente de huit ans. En effet, l’équipe dirigeante de l’époque, sur la base de l’« Etude d’implantation de la Banque nationale de Paris à Londres », a estimé que conserver le nom de la filiale constituée sur le réseau de la B&FB permettait d’être mieux outillé pour une exploitation commerciale plus agressive, dans un environnement déjà très concurrentiel. L’argument principal repose sur les excellents résultats obtenus par la B&FB, comparé aux autres succursales des banques françaises à Londres en termes de croissance. Dans un contexte d’européanisation et d’ouverture de ses places financières, une banque « anglaise » était plus à même de consolider ses positions déjà acquises et à se développer.o consolidate the positions it had already acquired, and to develop further. Quels enseignements ? Durant 27 ans, la British & French Bank a incarné l’alliance franco-britannique dans un cadre économico-financier. La banque a su être le relais, puis le pont, entre une banque française et une banque anglaise. L’aventure africaine, quant à elle, a montré qu’au-delà d’une alliance, il a été même possible de suivre une stratégie commerciale et économique communes aux deux pays.Un management anglais, avec des capitaux essentiellement français, administrés par une équipe franco-britannique ont été les ingrédients du succès de cette banque anglo-française, un des ancêtres du Groupe BNP Paribas au Royaume-Uni. Aimer cette page 0 likes Partager cette page Linkedin Facebook Twitter Mail Copier le lien de l'article