Projet de réseau des transports en Afrique occidentale française

Mise à jour le : 4 Nov 2024
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Les fonds d’archives de BNP Paribas conservent des documents provenant d’Afrique occidentale française (AOF), où les banques ancêtres du Groupe ont investi dans les années 1930.
Sur la base d’une carte schématique des transports et de quatre graphiques, intéressons-nous à un projet de régie co-intéressée des transports en AOF, un organisme pour contrôler et coordonner l’ensemble des communications ferroviaires, routières et fluviales de la région.
Rédigé en 1943, la genèse du projet remonte à 1931. La Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas) y avait été associée. Les événements politiques nationaux et la Seconde guerre mondiale en avaient empêché sa concrétisation à l’époque.

Cet article est une réadaptation d’une publication parue dans la revue Flux, Cahiers scientifiques internationaux Réseaux et territoires, Université Gustave Eiffel, numéro 135-136 (janvier-mars 2024/1) revue-flux.cairn.info

Fluctuations des divers éléments du trafic de l’ensemble des réseaux existants en AOF dans les années 1929-1939

Archives historiques BNP Paribas, 21CABET126 : note sur le projet de régie co-intéressée en Afrique occidentale française, 1929-1939

Le projet de la régie co-intéressée

Cette modélisation visuelle des relevés statistiques de l’exploitation des transports en AOF entre 1929 et 1939 vise à réengager un projet alors vieux de 10 ans, voté en 1934 mais qui n’a jamais vu le jour, du fait de l’élection du Front populaire en 1936.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Ancêtre des graphiques Excel, c’est au tournant du XXe siècle que la pratique de la modélisation visuelle, appelée data visualisation, se diffuse dans les administrations et chez les ingénieurs, sur la base de données statistiques. On passe de la donnée de flux à une donnée économique : sont modélisés des aspects sociaux, urbains, démographiques, climatologiques, etc. C’est aussi à cette époque que les entreprises et les milieux des affaires s’emparent de cette sémiologie graphique pour l’utiliser comme outil de prise de décision : en organisant visuellement une série de données statistiques, le cerveau humain s’approprie des chiffres, devenus plus accessibles et tangibles, facilitant ainsi l’analyse des données proposées. Le chiffre va servir ainsi un objectif défini.

En 1932, à la demande du Gouvernement général de l’AOF, un groupement d’actionnaires, parmi lesquels Paribas, avait projeté de mettre en place une convention de gérance en vue de moderniser le réseau ferroviaire en AOF, exploité par la France. En 1943, ce projet est réactivé en vue de préparer l’après-guerre : passer d’une production de guerre à une production tournée vers les marchés internationaux, afin de ne plus dépendre uniquement de la métropole. On propose de réorganiser les chemins de fer de l’AOF en régie, pour rationaliser l’exploitation du réseau et améliorer les résultats financiers déficitaires de la ligne Dakar-Niger. Il est question de déployer un réseau Méditerranée-Niger, tourné également vers les régions soudanaises et l’Algérie. Sont prévus ainsi des travaux d’infrastructure et de superstructure pour les adapter aux flux nécessaires, et atteindre un changement d’échelle.

POUR EN SAVOIR PLUS

C’est à Charles-Joseph Minard, ingénieur des Ponts et Chaussées, que l’on attribue la paternité de la visualisation graphique. Pour estimer les aménagements qu’ils avaient à faire et les équipements nécessaires, les ingénieurs des Ponts et Chaussée ont recours à des graphiques à partir du milieu des années 1850 – des documents largement utilisés par le renseignement économique dans les colonies en Asie et en Chine. De nombreuses informations statistiques sont ainsi collectées puis rationalisées, cartographiées et visualisées. À l’époque, ces représentations graphiques servent à soutenir des constats statistiques dans le but de fournir à l’administration un outil efficace pour améliorer les infrastructures en France. Cela concerne aussi bien la navigation fluviale, le trafic de marchandises, que le trafic ferroviaire. 

Le réseau des chemins de fer de l’AOF

S’étendant sur 3860 km en 1941, le réseau des chemins de fer de l’AOF – composé de lignes à voie métrique, est disparate, les lignes sont isolées les unes des autres, et mal gérées. Conçu et construit par des militaires, il date de la fin du XIXe siècle. Composé essentiellement de routes de pénétration militaire de la côte vers l’intérieur du Niger et servant à l’exportation de produits, le Niger occupe une place centrale dans ce dispositif de transports : de très faible densité, ce réseau ne comporte aucune rocade entre des lignes de pénétration, toutes dirigées vers un seul pays, le Niger.

Accompagner le développement économique de la région

De 1932 à 1943, l’économie de l’AOF a été profondément bouleversée : développement de la production des oléagineux, région devenue exportatrice de café, de bananes (Guinée et Côte d’Ivoire), de cacao (Côte d’Ivoire), d’huile de palme (Dahomey, Bénin actuel), de bétail. Ces évolutions demandent une adaptation du mode de transport de la région dans son ensemble, en répartissant mieux les expéditions des marchandises et en réorganisant leur stockage lors des escales.

Dakar (Sénégal) paraît être est le point idéal, avec un déploiement du réseau à 4500 km et une centralisation de tous les services. En empruntant la ligne Bamako-Dakar et en faisant dériver une partie par le chemin de fer de Guinée sur le port de Conakry plus proche, ou par le futur tronçon Ségou-Bobo Dioulasso, terminus à l’époque de la ligne de Côte d’Ivoire, dont le point de sortie doit être le futur port d’Abidjan. De même, le chemin de fer de Dahomey doit être prolongé jusqu’à Malenville sur le Niger. 

L’objectif du projet débattu en 1934 et 1943 concerne le déploiement économique de la région sur les marchés mondiaux. Il apporte à la fois une réponse pour les besoins de l’après-guerre des pays destinataires de cette offre et pour des territoires de la région de l’AOF. La solution proposée est le soutien à une compétitivité qui vise à garder et gagner des parts de marché, grâce à une baisse des coûts de transport avec une gestion unique de ces voies de transport. In fine, la question du développement et de la réorganisation du réseau du chemin de fer pose le problème essentiel de la mise en valeur de l’Ouest africain.