Colette B. est entrée à la Banque en 1955, à l’âge de 21 ans et y a réalisé toute sa carrière professionnelle. L’histoire de son parcours, rythmé par les transformations des banques ancêtres du Groupe et des métiers, a été consignée dans un carnet qu’elle a confié aux archives historiques de BNP Paribas. Dans ce récit de vie « augmenté », vous pourrez entendre sa voix, lire certaines de ses anecdotes, et découvrir de nombreuses informations contextuelles sous forme d’articles. Plongez dans le récit de sa vie !
«En juin 1955, je rejoins le Comptoir national d’escompte de Paris (C.N.E.P.) après avoir réussi mon concours. Mon chef de division m’informe que je serai affectée à l’agence Victor Hugo, à Paris. Je commence donc au guichet, où l’on débute traditionnellement, et où la tenue des comptes se fait encore sur des petits cartons. C’est un travail laborieux, mais je l’apprécie néanmoins.
Un jour, la Direction Générale décide de moderniser la tenue des comptes à l’aide de grosses machines mécaniques. Notre agence est choisie pour tester ce nouveau matériel, et je suis désignée pour le mettre en œuvre.
Je suis envoyée à l’agence centrale, rue Bergère à Paris, pour y recevoir une formation spécifique. Quel avancement !
L’expérience est un succès, et l’installation de ces machines est étendue à toutes les agences de Paris et de la proche banlieue. Je suis choisie pour devenir monitrice de mécanographie sur ces machines.
Même si je me plais dans mon agence, je n’ai d’autre choix que de la quitter. C’est donc une nouvelle étape qui commence.
Je reçois le soutien de mon chef de service, qui est partisan du modernisme. Il me met à l’aise et me dit qu’il est à ma disposition pour tout ce dont j’ai besoin.
Cependant, en tant que jeune femme qui se déplace dans les agences, je ne passe pas inaperçue…
Lors de ma troisième installation, dans une agence de la rue du Commerce à Paris, le directeur me laisse attendre quelques minutes sur le seuil de son bureau et me dévisage de la tête aux pieds. C’est le prix à payer pour être une femme dans ce monde… »
Ma quatrième installation se situe au Bourget, dans une petite agence d’environ 15 personnes, au nord de Paris.
C’est dans cette agence que j’ai eu l’occasion de porter un revolver, pendant que j’allais distribuer l’argent des salaires dans les usines du coin.
Le revolver
1966-1968 : Les bouleversements
«Un soir de juin 1966, je dîne chez mes parents quand j’entends à la radio que le CNEP (ma banque) allait fusionner avec la BNCI. Coup de tonnerre ! Personne n’en avait jamais entendu parler ; le secret avait été bien gardé… Qu’allait-il nous arriver à présent ?
Le « coup de tonnerre »
Abasourdie par la nouvelle, je ne pus fermer l’œil de la nuit. Qu’est-ce qui nous tombait sur la tête ?
Plutôt qu’une fusion, il s’agissait d’une absorption de la part de la BNCI, qui était bien plus importante en effectif et voulait imposer sa manière de travailler. Ils sont arrivés en conquérants, nous considérant comme incompétents. J’ai donc liquidé le service et fait démonter tout le mobilier, condamné à la casse, car rien ne devait subsister du CNEP. C’est ainsi que la BNP est née. » (Les opinions et sentiments exprimés reflètent l’expérience et le ressenti personnel de Colette à l’époque des faits.)
« Une page de ma vie se tourne. Que vais-je devenir ? »
— Colette
Après la liquidation de ma banque, je me présente à l’interlocuteur qui m’a été désigné. Il me reçoit plutôt aimablement, et m’informe que je dois suivre un stage d’un an dans tous les services de la BNCI, pour apprendre leurs méthodes de travail. Puis j’aurai mon affectation.
D’ailleurs, dans les agences CNEP, toutes les machines que nous avions installées ont été remplacées par celles de la BNCI. On a donc dû transférer les comptes des clients d’une machine à l’autre. On appelait ça la « bascule », et cela ne pouvait se faire qu’en-dehors des heures d’ouverture de la banque, donc les week-ends. Des heures supp’, mais très bien payées !
Le temps passe, et nous voilà en mai 1968… Cela ne vous rappelle rien ?
En plein milieu des émeutes, une équipe de trois personnes de mon agence décide de partir en urgence avec la 4CV à la Banque de France, située au centre de Paris, pour récupérer de l’argent. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir eu cette idée. Toutes les banques sont là et attendent ! Il est impossible de rentrer dans la banque – les piquets de grève sont là et font barrage. Aucun fourgon de la Banque de France ne peut sortir !
Au cœur des émeutes de 1968
Enfin, sur les coups de 16h, un fourgon rempli d’argent arrive à sortir et distribue à toute vitesse un sac d’argent à chaque banque, sans aucune vérification. C’est inimaginable, c’est bien la première fois que des sacs de jute, remplis d’argent, sans en connaître le montant, sont distribués sans contrôle. Sans ça, ça aurait pu être une Révolution ! »