BNP Paribas, une histoire asiatique
Au XIXe siècle, le système bancaire en Asie est dominé par les banques britanniques et japonaises. Cependant, les banques françaises s’efforcent de s’insérer dans les circuits des marchés asiatiques et d’accompagner l’essor des échanges commerciaux. Elles s’affirment progressivement, principalement en finançant l’import-export et en soutenant de grands travaux. Le Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP), ancêtre de BNP Paribas créé en 1848, se démarque particulièrement dans cette région du monde.
Le comptoir des pionniers
La Révolution de 1848 en France survient dans un contexte de crise économique. Au cours des deux dernières années, 829 faillites ont été enregistrées. Le système de crédit est paralysé par la méfiance qui empêche l’escompte des traites ; pour relancer le commerce, le ministre des Finances Louis Garnier-Pagès soutient la création de comptoirs nationaux d’escompte plus souples dans l’acceptation des traites. Le CNEP est ainsi créé le 10 mars 1848. L’établissement connaît une belle croissance.
En 1853, une assemblée générale extraordinaire augmente son capital et modifie ses statuts (le CNEP devient le Comptoir d’escompte de Paris – CEP – avant de reprendre son nom d’origine en 1889). C’est à partir de cette décennie que le « Comptoir », atteint véritablement le premier rang des banques françaises. Sa réussite s’explique en partie par sa stratégie de développement à l’international.
À cette époque, l’industrie européenne est à la recherche de quantités croissantes de matières premières. Elle aspire également à de plus vastes débouchés. Or, les dirigeants du CEP anticipent ces deux tendances et adaptent leurs activités à ce besoin. Le CEP bénéficie en outre du traité de libre-échange signé entre la France et l’Angleterre en janvier 1860, qui ouvre les portes de l’Empire britannique au commerce français. En janvier 1860, la banque obtient, par décret impérial, l’autorisation de fonder des agences en France et à l’étranger. Il s’agit d’un virage stratégique : c’est la première fois qu’une banque française crée un réseau d’agences hors de ses frontières, sans s’associer à des banques étrangères.
L’objectif est de proposer au grand commerce des points d’appui bancaire, le long des axes d’échanges les plus actifs. Le CEP répond à la demande des clients installés à l’étranger, qui souhaitent être accompagnés par leur banque. Le Comptoir est le seul établissement à s’engager sur cette voie, en organisant le crédit français dans les pays de production. Il ouvre ainsi une agence à Calcutta en 1860, puis à Shanghai en 1860. En France, il faut attendre 1867 pour assister à l’ouverture de la première agence en province, à Nantes.
Au cœur des échanges commerciaux
Après Shanghai, le CEP renforce sa présence en Chine avec une implantation à Hong Kong (1862), à laquelle s’ajoutent les agences de Tsien Tsin, Fou Tchéou et Hankou en 1886. En Inde, après Calcutta, la banque s’installe à Bombay (1862). Au Japon, l’agence de Yokohama est fondée en 1867. Le CEP s’établit au plus près des lieux de production, sur les grandes places d’échanges et dans les zones d’influence anglaise. Mais pas seulement. Trois ans à peine après l’arrivée des Français en Indochine, dès 1862, une agence est ouverte à Saigon.
Le « Comptoir » finance les achats de produits et matières premières locales de ses clients français. Vins, tissus de laine et produits manufacturés européens sont importés de France, tandis que l’on exporte vers la France du coton, des soies, des arachides et du thé depuis les différentes places d’Asie. En dépit des difficultés de communication et des contraintes climatiques, en dépit même de la crise économique mondiale de 1865-1866, les agences étrangères gagnent une place clé dans le dispositif de la banque. Le CEP devient la « French Bank », la banque française par excellence.
En 1875, son dispositif pionnier se modifie avec la création de la Banque de l’Indochine. Le CEP est l’un des principaux fondateurs de cet établissement, capable de résister aux banques britanniques et de faire de Saigon une place commerciale et bancaire solide. Entre le CEP et la Banque de l’Indochine, s’instaure une collaboration étroite. Les deux établissements s’entendent pour renforcer leur position dans certaines zones géographiques. La Banque de l’Indochine reprend les agences de Saigon et Hong Kong afin de se concentrer sur la Chine et l’Indochine, tandis que le CEP se réserve l’Inde et l’Australie. Cet accord lui permet de rester fort en Asie-Pacifique, même si un léger repli est observé entre la fin des années 1880 et le début des années 1890, causé par le krach du CEP et la crise monétaire et militaire extrême-orientale.
Une présence ancienne pour tous les ancêtres de BNP Paribas
Le CNEP/CEP a été ainsi précurseur en Asie. Mais la Société générale de Belgique, la Banque de Paris et des Pays-Bas, toutes des banques ancêtres de BNP Paribas, ont été actives en Asie, à des époques et des rythmes différents. Entre 1890 et 1920, les intérêts français en Extrême-Orient se déploient notamment dans le financement des chemins de fer. Un important chantier est mis en œuvre pour relier les villes chinoises de Pékin et Hankou. La Société générale de Belgique (BNP Paribas Fortis) s’associe avec la Banque de Paris et des Pays-Bas et le CNEP pour organiser en 1898 l’appel à l’épargne française et ainsi, financer l’un des plus grands chantiers de l’époque. Une initiative des plus judicieuses puisque la construction de cette première ligne de chemin de fer chinoise est alors le projet le plus rentable du monde.
La Générale de Belgique crée même en 1902 une filiale, la Banque Sino-belge, qui deviendra la Banque belge pour l’Etranger. Cet établissement connaît un fort développement à Hong Kong où il dispose d’un réseau de 13 agences dans les années 1970. La BNCI (Banque nationale pour le commerce et l’industrie), s’installe à Saigon en 1947 puis à Hong-Kong en 1957, où son dynamisme lui permet de s’imposer comme un établissement de premier plan. La BNP, formée par la fusion du CNEP et de la BNCI, capitalise sur les traditions des deux banques et fait de Hong Kong sa plateforme régionale en Asie : elle y gagne le rang de 1ere banque européenne en 1980.
La BNP intervient aussi sur de grands financements de projets chinois, et notamment la construction de la centrale nucléaire de Daya Bay, entre 1986 et 1993, ou bien la centrale thermique de Black Point à Hong Kong, en 1992.
Au Japon, Paribas a envoyé deux missions en 1907 et 1908. L’intérêt pour ce pays ne se dément pas et la banque envoie une forte contribution pour les secours aux populations touchée par tremblement de terre de Tokyo en 1923. La banque ouvre des représentations au Japon, en Malaisie et à Singapour dans les années 1970.
En 2010, BNP Paribas a fêté ses 150 ans de présence continue en Inde. Cette longévité constitue un record en matière d’implantation à l’étranger, pour une banque française.
Dans la continuité de son ouverture à l’international, le groupe n’a cessé de poursuivre son expansion dans la zone Asie-Pacifique. L’activité de financement de projets est un axe essentiel de sa stratégie. Pour preuve, le groupe est aujourd’hui présent en Asie sur 14 marchés, avec deux centres principaux à Hong Kong et Singapour. Le signe d’un lien privilégié, qui se tisse avec soin depuis 155 ans.
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