Les Camondo : des banquiers cosmopolites proches de Paribas

Mise à jour le : 21 Déc 2022
Blason de la famille Camondo - © Les Arts Décoratifs, Paris

Blason de la famille Camondo - © Les Arts Décoratifs, Paris

Surnommés les Rothschild de l’Orient, les Camondo sont une lignée de cinq générations de financiers et philanthropes. Juifs sépharades, ils sont expulsés d’Espagne lors de l’Inquisition en 1492. On les retrouve au milieu du XVIIIe siècle à Constantinople, ville qui sera le point de départ d’une grande épopée bancaire avec la création de la Bankhaus Isaac Camondo & Cie en 1802 par Isaac Camondo.

Trente ans plus tard, à sa mort, son frère Abraham Salomon Camondo en hérite. Il édifie alors l’une des plus grandes fortunes de l’Empire Ottoman, secondé par ses petits-fils Nissim (1830-1889) et Abraham-Béhor (1829-1889).

Le développement de la banque en Europe et son implication dans le projet du canal de Suez amènent les deux petits-fils à s’installer à Paris en 1869. La famille Camondo émigre, transférant avec elle le siège social de la banque. Sous l’impulsion d’Abraham Béhor, la banque familiale commence à prendre part à de nombreuses affaires en France. En 1872, I. Camondo & Cie s’associe à la Banque de Paris et des Pays-Bas naissante et, dès 1876, Abraham Béhor entre au conseil d’administration de la banque d’affaires. Un lien se crée entre les deux banques, qui subsistera jusqu’au bout.

Mais Abraham Béhor, si « bon entrepreneur » qu’il soit, ne se restreint pas au monde financier et diversifie ses activités, toujours en étroite compagnie de son frère Nissim. Propriétaires rue Monceau, ces admirateurs des Lumières côtoient la haute société parisienne et collectionnent des œuvres d’art de toutes époques. Un goût pour la culture qu’Abraham Béhor lègue à son fils Isaac de Camondo (1851-1911). Arrivé à 18 ans à Paris, ce dernier décide très tôt de placer l’art au centre de sa vie. Mais difficile de rompre avec la tradition familiale.

En 1874, il suit donc les traces de son père en intégrant la banque. Pendant plus de 20 ans, l’investissement d’Isaac de Camondo est à la hauteur de l’histoire de sa famille. Mais vient 1889, l’année de la cassure. Les décès consécutifs de son oncle et de son père fragilisent l’homme. Désormais aîné du clan, il veut clore ses affaires bancaires. L’activité bancaire est reprise en France par la Banque de Paris et des Pays-Bas, et à Constantinople par la Banque de change et de valeurs, deux maisons dans lesquelles la famille a d’importantes participations. En 1919, la banque I. Camondo & Cie entre en liquidation.

Finies donc les activités financières ? Pas tant que ça. Car malgré le désir de se consacrer à des plaisirs plus artistiques, Isaac ne prend pas moins la succession de son père en devenant administrateur de la Banque de Paris et des Pays-Bas en 1901, président de la Compagnie des chemins de fer andalous et représentant la banque à la Société nationale pour l’industrie, le commerce et l’agriculture dans l’empire Ottoman créée en 1909.

Des obligations qui ne détournent cependant plus cet amateur d’art éclairé de sa passion. Collectionneur avisé, il joue un rôle éminent dans l’art impressionniste et est l’un des premiers collectionneurs d’art du Japon et de l’Extrême-Orient en France. On lui connaît aujourd’hui la « Salle de donation Camondo » au Louvre qui évoque le généreux legs de 804 œuvres issues de sa collection à sa mort, aujourd’hui réparties entre cinq grands musées parisiens. Si Isaac de Camondo compte parmi les fondateurs de la Société des amis du Louvre (1897) et du conseil de l’Union centrale des arts décoratifs (1899), sa passion pour les arts plastiques n’est pas exclusive. Grand amateur de musique, mécène de musiciens et lui-même compositeur, il fonde la Société des artistes et des amis de l’Opéra (1904) et contribue à la création du Théâtre des Champs-Elysées dont il ne verra pas l’ouverture (1913).

Isaac Camondo n’ayant reconnu aucun de ses deux enfants illégitimes, c’est du côté de son cousin Moïse que le nom perdure. Mais la disparition de son seul fils Nissim lors d’un combat aérien en 1917, ainsi que la déportation en 1943-1944 de la famille de sa fille, les Reinach, seuls héritiers de la fortune Camondo, entraînent l’extinction de la lignée.

C’est en souvenir de son fils Nissim que le Comte Moïse de Camondo légua en 1935 son hôtel particulier ouvrant sur le Parc Monceau à Paris et sa fabuleuse collection d’art patiemment acquise, aux Arts Décoratifs et à l’Etat français. Ainsi est né le Musée Nissim de Camondo, voué à entretenir et prolonger la passion la passion de Moïse de Camondo pour les arts décoratifs du XVIIIe siècle.
De la famille Camondo, il ne reste que de magnifiques collections qui illustrent l’incroyable parcours de plusieurs générations de banquiers qui marièrent finances, culture et philanthropie avec brio.

Pour en savoir plus sur les Camondo :

Site internet du Musée Nissim de Camondo
– Pierre Assouline, Le dernier des Camondo, Paris, Gallimard, 1997
– Sophie Le tarnec & Nora Seni, Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune, Paris, Actes Sud, 1997

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