Henri Cernuschi : révolutionnaire, économiste et mécène
Patriote italien réfugié en France, économiste et banquier, passionné d’art et de politique, Henri Cernuschi est également un des fondateurs de la Banque de Paris et pose ainsi une des premières pierres du Groupe BNP Paribas.
Un révolutionnaire italien…
Enrico (il francisera son prénom plus tard) Cernuschi est né en 1821 à Milan. Après des études à Milan et à Pavie, il obtient un brevet d’avocat en 1846. Tempérament de feu et cœur droit, comme se plairont plus tard à le décrire ses collègues économistes, il prend part en 1848 à l’insurrection de Milan contre les Autrichiens. Puis il part pour Rome où il est élu député de la jeune, mais éphémère, république romaine (1849). Arrêté, jugé et acquitté par deux fois, en 1850, il obtient l’exil en France.
…qui devient financier et économiste
Vivant de leçons d’italien et de travaux de copiste, il étudie les langues et réfléchit sur les questions économiques et bancaires. En 1852, il entre au Crédit mobilier, la célèbre banque d’affaires créée par les frères Pereire. Au terme d’une ascension rapide, il devient membre du conseil d’administration. À partir de 1858, il tente une carrière d’entrepreneur dans la boucherie, à la faveur d’évolutions réglementaires, mais c’est un fiasco.
En 1865, il publie son livre majeur, Mécanique de l’échange, où il développe ses idées contre « l’or supposé », c’est-à-dire la monnaie fiduciaire. C’est un ardent partisan du bimétallisme. Ses liens avec les milieux économistes et d’affaires l’amènent à faire partie des fondateurs, avec Adrien Delahante et Edmond Joubert, de la Banque de Paris, qui s’installe au 3 rue d’Antin à Paris. En fusionnant avec la Banque de crédit et de dépôt des Pays-Bas en 1872, cet établissement donne naissance à la Banque de Paris et des Pays-Bas, le futur Paribas. Mais Henri Cernuschi a déjà quitté la banque en 1870 pour d’autres combats.
Combats républicains en France
En 1870, il prend une participation majoritaire dans le journal républicain Le Siècle. Cernuschi soutient financièrement le comité contre le plébiscite en faveur de l’Empire, ce qui lui vaut d’être exilé par Napoléon III en avril. Exil de courte durée car l’Empire s’effondre peu après. Cernuschi peut assister à la proclamation de la République à l’Hôtel de Ville de Paris le 4 septembre 1870. Il est présent lors du siège de Paris par les Prussiens et prend une part active à la commission des subsistances ; il est naturalisé français le 29 janvier 1871.
Le collectionneur et mécène
Mais le dramatique enchaînement des événements de la Commune l’affecte profondément, notamment avec la mort du rédacteur en chef du Siècle, Gustave Chaudey. Henri Cernuschi décide alors d’entreprendre avec son ami journaliste et critique d’art Théodore Duret un long périple autour du monde (1871-1873), dont le séjour en Extrême-Orient va décider de la suite de sa vie. Au Japon et en Chine, grâce à la fortune acquise sous le Second empire, il acquiert environ quatre mille œuvres d’art qui vont former le cœur de sa collection. À son retour, il présente l’ensemble à l’Exposition orientaliste (août 1873-janvier 1874) qui se tient au Palais de l’Industrie. Il acquiert à Paris auprès des Pereire la dernière parcelle non bâtie sur l’avenue Vélasquez ; il y fait construire par William Bouwens van der Boijen, l’architecte du siège du Crédit lyonnais, un hôtel particulier qui sert de musée pour ses collections ; il y réside et y organise des fêtes somptueuses. À la fin de sa vie, retiré à Menton, il lègue son hôtel et ses collections à la ville de Paris, qui en fera le magnifique musée Cernuschi que nous connaissons aujourd’hui. Henri Cernuschi décède en 1896.
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