Le Groupe BNP Paribas à Londres et ses effectifs

Temps de lecture : 17min Nombre de likes : 2 likes Mise à jour le : 16 Déc 2022
Archives historiques BNP Paribas

Archives historiques BNP Paribas

Aujourd’hui, le Royaume-Uni est un centre névralgique pour les activités du Groupe BNP Paribas : près de 7500 employés répartis dans 27 villes, Londres étant, après Paris, considérée comme le second siège de la banque.

Une installation pionnière et des effectifs importants

Il y a 40 ans, la capitale anglaise accueillait 308 banques étrangères, avec un effectif moyen de 93 personnes, nombre ayant plus que doublé en l’espace de 10 ans : en 1969, il y avait 137 établissements, comptant en moyenne 72 personnes. Les banques françaises, quant à elles, employaient un personnel plus important à cette époque: BNP Limited, depuis 1867 à Londres, avait 440 employés, la Société générale, arrivée en 1871 – 316 personnes, le Crédit Lyonnais, à Londres depuis 1870 – 256 personnes, la Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas), installée depuis 1964 – 50 personnes.

BNP Limited, fin des années 1960, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, fin des années 1960, Archives historiques BNP Paribas

BNP Limited est la seule banque française à être une filiale de droit anglais, les autres ayant préféré le statut de succursale. Cette différence a-t-elle joué un rôle dans le management des effectifs et des équipes ? La juxtaposition de cadres anglophones et francophones, corollaire incontournable de toute implantation à l’étranger, en est-elle la seule raison ?


Retour en arrière et explications.

Le comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) : implantation « from scratch » d’une banque française à Londres

Dès son installation en 1867, le Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP), première banque ancêtre de BNP Paribas à traverser la Manche, n’a pas vocation à être un simple bureau de représentation.

Londres, ca 1897, Bank of England et Royal Exchange, Jubilee Week, Jarvis, J. F, photographer. Bibliothèque du Congrès
Londres, ca 1897, Bank of England et Royal Exchange, Jubilee Week, Jarvis, J. F, photographer. Bibliothèque du Congrès

S’établir à Londres est synonyme d’insertion dans les courants commerciaux et bancaires internationaux. L’agence de Londres obtient très vite le statut de banque autonome, et prend en 1890 la direction de toutes les agences de langue anglaise. En 1894-1895, le CNEP ouvre deux sous-agences à Liverpool et à Manchester, spécialisées dans le financement de l’importation et l’exportation de coton sur le marché à terme. Toutes ces activités nécessitent une main-d’œuvre qualifiée.

Ainsi, déjà en 1921, l’agence de Londres dispose d’au moins 106 salariés permanents dont environ 13 cadres, Manchester – 12 employés et Liverpool – au moins 6, tant britanniques que français.


Ce sont donc de gros établissements, structurés en services spécialisés et adaptés aux exigences de la clientèle, constituée essentiellement de sociétés françaises qui les utilisent comme points d’appui à leurs échanges commerciaux.

CNEP, membres de l’agence centrae, 8 King William Street, 1917, archives historiques BNP Paribas
CNEP, membres de l’agence centrae, 8 King William Street, 1917, archives historiques BNP Paribas

Les services les plus développés sont ceux liés aux opérations de commerce et de change internationaux, comme le service des marchandises. Dotée de toute la gamme de services bancaires et administratifs, à la fois généraliste et polyvalente, l’agence de Londres est dirigée par des cadres qualifiés. Nombre de ces cadres ne sont pas français et sont recrutés au sein d’un vivier de dirigeants anglo-saxons qui effectuent leur carrière en Australie, Inde, Egypte et Londres.

Australia, Queen street, Brisbane, n. d., New York Public Library Digital Collections
Australia, Queen street, Brisbane, n. d., New York Public Library Digital Collections
General Research Division, “Le Caire Suk Ez Zalat”, 1870-1875, New York Public Library Digital Collections
General Research Division, “Le Caire Suk Ez Zalat”, 1870-1875,
New York Public Library Digital Collections


En 1967, au moment de sa fusion avec la British &French Bank (B&FB), le CNEP à Londres n’emploie plus que 73 personnes, contre 118 pour la B&FB. Outre la différence notable d’effectifs, si l’on tient compte de la date de création des deux entités – 1867 pour le CNEP et 1949 pour la B&FB, le personnel féminin représente 54% du personnel total de la B&FB contre 30% au CNEP. En effet, en Angleterre, les femmes ont des salaires inférieurs de 15% à celui des hommes à partir de l’âge de 25 ans.

CNEP, membres de l’agence principale du 8 King William Street, 1955, Archives historiques BNP Paribas
CNEP, membres de l’agence principale du 8 King William Street, 1955, Archives historiques BNP Paribas

Tentons de comprendre ces disparités.

La British & French Bank (B&FB) : une banque anglaise pilotée par la France

Quand la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) ouvre sa première agence à Londres en 1938, elle est dotée de seulement 12 personnes. Ce petit effectif est voulu par Paris, considérant cette implantation avant tout comme un poste d’observation, destiné à renforcer les liens avec sa clientèle à Londres.

BNCI, agence de Abchurch Yard, années 1950, Archives historiques BNP Paribas
BNCI, agence de Abchurch Yard, années 1950, Archives historiques BNP Paribas

Une banque sur-staffée ?

En 1947, date à laquelle la succursale de la BNCI devient une filiale de droit anglais, la British & French Bank (for Commerce and Industry) Limited, les effectifs de la banque passent à 49 personnes. Cette transformation oblige à certaines formalités qui apparaissent lourdes et peuvent expliquer le personnel pléthorique de la filiale. La structure doit se conformer à celle de la plupart des banques londoniennes et maintenir la tradition des méthodes de travail proprement britanniques. Ainsi, en juin 1948, en dépit de la faible rentabilité de la B&FB, son personnel croît de 50%, passant à 73 employés, et en juin 1949, à 82 employés. Rien que l’état-major de la banque comprend 4 éléments anglais et 3 éléments français.

Le management entre conceptions française et anglaise

BNCI, agence de Nancy, n. d., Archives historiques BNP Paribas
BNCI, agence de Nancy, n. d., Archives historiques BNP Paribas

Cette surabondance de collaborateurs, additionnée à une multitude de services et sections diverses ayant la charge de tâches purement administratives, sont vues par Paris comme excessives dans une économie encore anémiée des suites de la guerre, pour une banque de création récente, et dans une ville où la concurrence bancaire est intense. A cela s’ajoute un fonds de commerce modeste: à peine 500 comptes courants, dépôts, autofinancements et crédits. A titre d’exemple, le nombre de clients bénéficiant d’autorisation de crédits à Londres s’élève à 135. Pour comparaison, une succursale de moyenne importance de la BNCI en France, comme Nancy, gère près de 450 dossiers d’engagements. Mais il n’est pas dans l’usage des banques anglaises de licencier le personnel sans raisons graves, et en 1959, les effectifs de la banque s’élèvent déjà à 116 personnes.

Vers une acculturation des personnels anglais et nigérians aux pratiques managériales françaises

Cette même année, la question des ressources humaines est clairement posée pour la filiale nigériane: « […] principale difficulté est exprimée simplement: la BNCI semble incapable de nous fournir des hommes. Nos deux concurrents ont d’importantes ressources administratives, et leur force à cet égard induit et permet une attitude relativement négligente à l’égard de la qualité de leurs employés. Ils ont les effectifs nécessaires pour s’appuyer sur des éléments compétents. Nous, nous fonctionnons sur la base d’un personnel de haute qualité, mais sans aucune réserve pour maintenir le nombre nécessaire, et tandis que la qualité nous permet de donner un bien meilleur service, le manque d’effectifs nous maintient constamment sur le fil du rasoir pour une saine gestion. […] La constitution d’une réserve de base de personnel relève de la responsabilité du bureau de Londres, et des mesures doivent être prises à cet effet. […] Nous avions également convenu que, pour de nombreuses raisons, il est nécessaire de promouvoir le personnel africain dans la mesure du possible aux grades actuellement occupés par les jeunes Européens.»

B&FB agence, Nigéria, N. D., Archives historiques BNP Paribas
B&FB agence, Nigéria, N. D., Archives historiques BNP Paribas
BNCI, et B&FB, Siège de Lagos, les deux entités se partagent les locaux, fin 1961, Archives historiques BNP Paribas
BNCI, et B&FB, Siège de Lagos, les deux entités se partagent les locaux, fin 1961, Archives historiques BNP Paribas

La BNCI exerce une très étroite tutelle sur la B&FB, étant son principal actionnaire. Si le chairman de la banque est toujours un Britannique, c’est Paris qui prend les décisions stratégiques du Groupe, dont celle de son implantation au Nigéria. A cet égard, la transformation du petit siège qu’était en 1949 la B&FB en un établissement à succursales multiples est venue bousculer, pour le personnel britannique, son attachement à la vocation purement londonienne de la banque: il considérait l’installation au Nigéria comme une entreprise a priori hasardeuse. On comprend donc mieux les assurances financières apportées par la BNCI à la B&FB au moment de la création nigériane .

La formation

Ainsi, la BNCI met en place des stages de courte durée à Paris pour un certain nombre de collaborateurs de la B&FB. De même, la banque institue un système de promotion pour les collaborateurs Nigérians qui seront amenés à occuper des postes à responsabilité, en initiant un système de formation à Londres pour les plus « prometteurs », d’une période limitée à 3 mois.

Réception à Londres d’un stagiaire nigérian, 1960, Archives historiques BNP Paribas
Réception à Londres d’un stagiaire nigérian, 1960, Archives historiques BNP Paribas

BNP Limited : rationalisation des effectifs et réorganisation du business

BNP Limited, née de la fusion opérée en janvier 1967 entre les agences du CNEP et de la B&FB, se place en 1979 au rang de 19e banque britannique, employant 440 personnes .

Dès la fin des années 1970, une politique de rationalisation des effectifs est mise en place, tenant compte aussi bien de la quantité que de la qualité du personnel. En effet, jusque-là, on assistait à une croissance exponentielle de la masse salariale, couplée à un fort turnover. Une baisse régulière des effectifs est entamée à partir de 1988, passant de 464 à 375 personnes en 1991, avec un ralentissement notable du nombre des embauches (113 en 1987 contre 11 en 1991). L’âge moyen est, lui, resté presque stable mais le turnover a été en partie endigué.

BNP Limited, Plantation House, 10-15 Mincing lane, 1975, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, Plantation House, 10-15 Mincing lane, 1975, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, King William Street, 1983, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, King William Street, 1983, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, King William Street, Salle de travail, 1983, Archives historiques BNP Paribas
BNP Limited, King William Street, Salle de travail, 1983, Archives historiques BNP Paribas

Parallèlement, une prise de contrôle effective de la filiale londonienne par Paris dès la fusion en 1967 permet une réorganisation des départements et business présents à Londres et l’implémentation de méthodes de travail à la française. Ainsi, la croissance de la filiale repose, dorénavant, sur une activité de banque commerciale de gros au service de la grande clientèle multinationale du groupe BNP (entreprises de chimie, électricité, commodities, pétrole, mécanique, textile), d’une part, sur le développement des opérations de trésorerie et de change sur le marché des eurodevises, d’autre part, et enfin sur les relations privilégiées entretenues avec la United Bank of Africa, dont elle détient 25,47% du capital, avec ses activités au Nigéria.

UBA & BNP, Archives historiques BNP Paribas
UBA & BNP, Archives historiques BNP Paribas
Salle des marchés, King William Street, 1997, Archives historiques BNP Paribas
Salle des marchés, King William Street, 1997, Archives historiques BNP Paribas

Le dispositif d’exploitation, quant à lui, reste essentiellement londonien (King William Street et Londres-Knightsbridge), avec des bureaux de représentation à structure légère pour couvrir une partie de la province (Edimbourg, Birmingham, Leeds, Manchester).

BNP à Leeds, n. d., Archives historiques BNP Paribas
BNP à Leeds, n. d., Archives historiques BNP Paribas
BNP à Manchester, Archives historiques BNP Paribas
BNP à Manchester, Archives historiques BNP Paribas
BNP à Birmingham, Archives historiques BNP Paribas
BNP à Birmingham, Archives historiques BNP Paribas

Et quid pour l’avenir ?

Pays stratégique pour les activités du Groupe, le Groupe emploie près de 6000 personnes sur le sol britannique. Elles sont aussi bien au service des entreprises britanniques que des investisseurs, des institutions financières ou des particuliers.
Proposant un large éventail de services, BNP Paribas continue à se développer au Royaume-Uni. Il ambitionne de devenir un partenaire privilégié du Royaume-Uni en Europe, réaffirmant, 150 ans plus tard, son engagement envers ses clients britanniques.

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