Le nouveau siège du Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) vu par Durandelle

Temps de lecture : 11min Nombre de likes : 3 likes Mise à jour le : 16 Déc 2022
Tags : .

Née au milieu du XIXème siècle, La photographie a permis de documenter la transformation urbaine de Paris et des autres métropoles régionales. Parmi les grandes constructions, on retrouve les établissements financiers. L’immeuble du 14 rue Bergère édifié pour être le siège du CNEP, ancêtre de BNP Paribas, fait partie des constructions immortalisées par une des figures emblématiques de la photographie d’architecture, Louis-Emile Durandelle.

L’essor de la photographie d’architecture dans la seconde moitié du XIXe siècle

En 1839, François Arago, député et scientifique de renom, présente à l’Académie des Sciences puis devant la Chambre des représentants une invention révolutionnaire : le daguerréotype. Bien qu’il ne s’agisse pas de la première technique photographique, le procédé inédit de Louis Daguerre permet d’afficher et de conserver une image de manière permanente.

Lors de la révolution industrielle, la photographie joue un rôle essentiel dans la diffusion des avancées techniques et de la production industrielle. Les images permettent « de donner une représentation aussi exacte que possible d’une réalité sociale, industrielle et économique en pleine mutation et fournir au marché une technique de représentation en adéquation avec ces bouleversements », comme l’indique F. Denoyelle dans son ouvrage « Les studios d’art industriel« , p.15 . À titre d’exemple, on peut citer l’usine représentée comme figure de modernité.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, un accord implicite se met en place entre les photographes et les architectes. Leur relation, aussi ancienne que la création de la photographie, s’est développée progressivement et donne naissance à une discipline à part entière : la photographie d’architecture. Pour les architectes, les images sont un moyen de documenter l’histoire en train de se faire en accompagnant les différentes étapes de construction. Elles permettent donc de promouvoir leurs œuvres. La photographie d’architecture est notamment utilisée dans la restauration des monuments historiques. Eugène Viollet-le-Duc, connu pour ses restaurations de constructions médiévales, impose aux architectes de fournir des daguerréotypes des monuments afin de garder une trace exacte de ce que le temps aura détruit.
L’extension des revues d’architecture, l’intérêt des journaux comme l’Illustration pour la photographie d’architecture et la naissance d’établissements encourageant la production et la commercialisation de ce type d’images permettent de populariser la discipline.

Gravure du siège du CNEP parue dans le journal  » l’Illustration » du 18 février 1882, d’après une photographie de Louis-Emile Durandelle – Archives historiques BNP Paribas
Gravure du siège du CNEP parue dans le journal  » l’Illustration » du 18 février 1882, d’après une photographie de Louis-Emile Durandelle – Archives historiques BNP Paribas

Durandelle : un photographe d’architecture par excellence

Louis-Emile Durandelle (1839-1917) est une figure marquante de la photographie française. De 1860 à 1890, il se spécialise dans la photographie d’architecture et d’œuvres d’art avant de se consacrer à des activités politiques et sociales.
En 1854, il s’associe à Hyacinthe Delmaet pour fonder un atelier de photographie. Très vite après sa création, l’enseigne Delmaet et Durandelle se spécialise dans la reproduction artistique industrielle et commerciale. La question de la commande est très importante pour comprendre le choix de Durandelle. En effet, certains photographes s’adaptent à la demande grandissante des architectes qui ont pris conscience de la rapidité, l’efficacité et l’exactitude des photographies. Dès la rencontre entre l’architecture et la photographie, Durandelle s’invite au mariage de ces deux arts et se lance dans la photographie d’architecture.
Par ses photographies, Durandelle se situe comme un témoin direct des différentes étapes de constructions parisiennes du Seconde Empire et de la Troisième République, à un moment où le paysage de la ville se transforme. On doit à Durandelle un important corpus photographique fournissant de précieuses informations.

Portrait de Louis Emile Durandelle (1839-1917) par Louis Thiriot , Domaine public, via Wikimedia Commons
Portrait de Louis Emile Durandelle (1839-1917) par Louis Thiriot , Domaine public, via Wikimedia Commons

Il a immortalisé les étapes de constructions de nombreux bâtiments, depuis leur fondation jusqu’à l’achèvement du chantier. Plusieurs de ses réalisations sont inscrites dans l’imaginaire collectif de l’histoire urbaine de Paris, mais rares ceux qui en connaissent l’auteur. Parmi les campagnes les plus remarquables de Durandelle, nous pouvons citer : la construction de l’Opéra Garnier, la tour Eiffel, le Sacré-Cœur de Montmartre et le siège du Comptoir national d’escompte de Paris, ancêtre de BNP Paribas.
Albert Chevojon, collaborateur de Durandelle perpétue la tradition de photographie industrielle jusqu’en 1995. Il a en effet racheté en 1886 les fonds et les archives photographiques de l’atelier Delmaet et Durandelle, et renomme l’entreprise « Studio Chevojon ».

Zoom sur deux photographies du CNEP signées Durandelle

En 1882, le Comptoir inaugure son nouveau siège à l’issue de quatre ans de rénovation. Il s’agit de l’un des premiers sièges modernes de banques françaises, avec celui du Crédit Lyonnais.
Depuis 1851, le CNEP est installé dans l’hôtel Rougemont de la rue Bergère à Paris, non loin de la Bourse. Avec le développement de son activité et de son personnel, il confie la construction du bâtiment à l’architecte Edouard Corroyer. Fervent défenseur de l’usage de la photographie dans la pratique professionnelle de l’architecture, cet élève de Viollet-le-Duc, fait de nouveau appel à Durandelle. « M. Durandelle est déjà généralement connu des architectes pour la beauté des épreuves qui sortent de ses ateliers », voici ce que déclare Édouard Corroyer en 1880 dans un article paru dans le journal Le Panthéon de l’Industrie intitulé « photographie artistique et industrielle ».
En 2014, un fond photographique remarquable du Studio Chevojon vient enrichir les collections des Archives historiques de BNP Paribas. Dans ce lot qui s’étend des années 1880 aux années 1970, quelques précieux clichés sont l’œuvre de Louis-Emile Durandelle.

Façade

Le Comptoir national d’escompte de Paris s’implante, dès le XIXème siècle, dans les cinq continents. C’est la première banque française à se doter d’un réseau international. Elle ouvre ainsi ses premières agences à Calcutta et à Shanghai en 1860. Situés au-dessus de la porte impressionnante du 14 rue Bergère, les cinq médaillons rappellent que le CNEP accompagne les commerçants français dans leurs opérations à l’étranger.

Campanile 14 rue Bergère, Paris. Photo gauche : 1882 (Durandelle) / Photo droite : 2009- Archives historiques BNP Paribas

Atrium

L’Atrium a été conçu pour impressionner et rassurer la clientèle. Son immensité et sa richesse décorative valent à cet édifice le qualificatif de palais. Il fait 31 mètres de longueur sur 16 de largueur et 17 de hauteur. La pièce est coiffée d’une imposante verrière polychrome ornée de motifs végétaux, laissant pénétrer la lumière du jour. Ce hall a fait office d’agence centrale de 1882 au début des années 2000.

Vues de l’atrium 14 rue Bergère, Paris. Photo gauche : 1882 (Durandelle) / Photo droite 2009. – Archives historiques BNP Paribas.
Vues de l’atrium 14 rue Bergère, Paris. Photo gauche : 1882 (Durandelle) / Photo droite 2009. – Archives historiques BNP Paribas.

Modèle d’architecture bancaire moderne, le siège du CNEP répond aux exigences de l’activité bancaire de la seconde moitié du XIXème siècle. L’édifice incarne la solidité et rappelle la dimension internationale du Comptoir. Aujourd’hui, BNP Paribas perpétue cette tradition, en étant présent dans 80 pays. Entre 2007 et 2009, le Groupe lance des travaux de rénovation de l’îlot Bergère pour adapter le site à ses activités actuelles et aux nouvelles normes, notamment environnementales . Il s’agit du premier chantier de réhabilitation d’un monument historique à obtenir la certification HQE (Haute qualité environnementale).

Aimer cette page

Vous avez aimé cette histoire ?

Cette sélection d’articles pourrait aussi vous intéresser !