Les Chemins du baroque, mécénat au long cours

Temps de lecture : 7min Nombre de likes : 1 likes Mise à jour le : 21 Déc 2022
Orgue baroque construit en 2008, en réplique d'un instrument historique datant de 1610 restauré la même année dans le village d’Andahuaylillas, en plein coeur de la Cordillère des Andes. Copyright Le Couvent

Orgue baroque construit en 2008, en réplique d'un instrument historique datant de 1610 restauré la même année dans le village d’Andahuaylillas, en plein coeur de la Cordillère des Andes. Copyright Le Couvent

En 1987, Alain Pacquier et Lionel Lissot lancent un programme de coopération culturelle visant à réhabiliter et valoriser le patrimoine musical en Amérique latine : Les Chemins du Baroque. Dès 1992, la Fondation BNP Paribas s’associe à ce projet enthousiasmant, à l’origine de centaines de concerts sur les continents sud-américain et européen, de dizaines de CD édités et d’instruments historiques restaurés en Argentine, au Chili ou au Pérou… Retour sur l’une des plus belles aventures soutenues par la Fondation.

Entre deux mondes

L’Histoire de ce voyage musical commence en 1540, avec le souhait d’Ignace de Loyola de voir les Jésuites se disperser à travers le monde. Pendant deux siècles, la compagnie de Jésus engage un prosélytisme pacifique en Amérique latine, où elle fait connaître la musique occidentale. Mais en 1759, le Portugal, jaloux du pouvoir jésuite, décide d’expulser les compagnies de son territoire et de ses colonies. L’Espagne agit de même en 1767. Force de la musique et signe de son appropriation par les peuples indigènes, des milliers de partitions de morceaux baroques ont été conservées depuis cette période… Dans les missions jésuites d’Amérique latine et des Caraïbes, dans des cathédrales, des traces de ce patrimoine subsistent.
En 1987, l’Argentine a tourné la page de la junte militaire depuis cinq ans seulement et le Pérou vient de désigner un président élu démocratiquement après quarante années de dictature. Au Chili, il faut attendre encore un an avant le départ d’Augusto Pinochet. C’est dans ce contexte qu’Alain Pacquier, journaliste et fondateur du Festival de Saintes, s’engage avec passion dans l’exploration de la musique baroque et de son versant latino-américain, méconnu en Europe.

Un soutien précieux

Basé à Sarrebourg en Alsace, le Centre International des Chemins du Baroque naît de la rencontre en Argentine d’Alain Pacquier et Gabriel Garrido, chef d’orchestre. Lors d’un voyage en Bolivie, l’artiste a découvert des partitions de l’époque baroque, il a aussi constaté la pratique vivace de cette musique par les indiens boliviens. Son récit est un appel à la curiosité et à l’initiative, pour faire connaître ce patrimoine et le préserver. Les Chemins du Baroque sèment leurs premières actions mais les fonds sont nécessaires. Pacquier et Garrido se tournent vers Martine Tridde, la déléguée générale de la Fondation Paribas (devenue BNP Paribas). Le projet, ambitieux, voire fantasque, ne peut que susciter l’intérêt de la Fondation, présente depuis 1984 sur la scène des musiques anciennes et baroques. Le Centre obtient donc en 1992 un premier soutien financier pour une période de trois ans. L’accompagnement des Chemins du Baroque par la Fondation se prolongera bien au-delà….

L’Art comme dialogue

Pendant vingt ans, un vaste travail de restauration est mené avec notamment onze orgues historiques sauvés en Bolivie, au Mexique, en Argentine ou au Pérou. Au total, quinze pays sont concernés par les travaux de réhabilitation et diffusion des Chemins du Baroque, depuis le Canada (Québec), Cuba, la République Dominicaine, jusqu’au Chili, en passant par l’Equateur, la Colombie ou le Panama. Les instruments restaurés redonnent à la musique son éclat d’antan. Le projet de coopération culturelle permet aussi de former 400 jeunes musiciens en Amérique latine, où trois festivals internationaux sont créés ou parrainés : le festival Missiones de Chiquitos en Bolivie, Semana de musica barroca de Santiago au Chili, Jordanas de Musica Antigua del Centre Historico de la Habana à Cuba. Plus de 600 concerts sont aussi organisés, entre la France et l’Amérique du Sud. Et, puisque la préservation de la musique est au cœur de cette aventure, 57 enregistrements sont édités par le label K 617, créé en 1990 par Alain Pacquier.

Chanteurs, danseurs, instrumentistes de San Ignacio Moxos (Bolivie), reconstituant le patrimoine des « réductions jésuites » de l’Amazonie. Copyright Le Couvent
Chanteurs, danseurs, instrumentistes de San Ignacio Moxos (Bolivie), reconstituant le patrimoine des « réductions jésuites » de l’Amazonie. Copyright Le Couvent

En 2001, le Mois National du Baroque latino-américain est l’occasion de belles rencontres entre des musiciens d’Amérique latine et des chorales ou orchestres de chambre français. La foisonnante aventure du Centre International des Chemins du Baroque trouve un élégant épilogue dix ans plus tard, avec CAMINOS 2011. Plus de six cents musiciens des deux continents se réunissent en France durant dix jours, pour une centaine de concerts donnant à entendre la musique baroque. Dix concerts ont enfin lieu au Musée du Quai Branly, lieu de dialogue des cultures, complétés de conférences, projections de films et ateliers. Cette manifestation aux allures de fête marque la fin d’un engagement de vingt ans pour la Fondation BNP Paribas.

Pour en savoir plus
Alain Pacquier, Le retour des caravelles, Paris, 2011

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