La naissance d’un géant : l’histoire de la fusion qui a créé la BNP en 1966
Le 4 mai 1966, les Français apprennent par la radio la naissance de la Banque Nationale de Paris (BNP). Elle naît du regroupement de la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) et du Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP). Rapide et efficace malgré la surprise qu’elle a provoquée, la fusion a été un franc succès. La BNP est propulsée au rang de première banque française.
Créer une « force de frappe financière »
L’annonce de la fusion par le gouvernement, le 4 mai 1966, a pris tout le monde de court. Même les dirigeants des deux banques n’avaient été mis au courant que trois jours plus tôt par Michel Debré, le ministre des Finances. Son empressement devait permettre d’éviter les rumeurs, afin de mener à bien ce projet imaginé depuis longtemps.
Michel Debré est alors engagé dans des réformes économiques qui visent à dynamiser le développement des banques. Dans un contexte de concentration bancaire, il faut doter la France d’une « force de frappe financière » : c’est chose faite avec la BNP. C’est un exemple à suivre pour les autres grandes banques françaises.
Il s’agit de créer une banque moderne au service de l’économie nationale, capable de s’adapter au marché commun européen, et dont le rayonnement puisse réhausser la place de Paris dans le monde financier international.

Le nom de la nouvelle banque exprime son ambition :
- Banque
Remplace les vieilles expressions de « Comptoir » et de « Commerce et industrie ». C’est l’entrée dans la modernité d’une banque polyvalente.
- Nationale
car comme ses deux banques ancêtres, la BNP est une banque nationalisée.
- Paris
Pour incarner le prestige de la capitale ville-monde, véritable image de marque.
La fusion, un mariage heureux ?
Sur le plan comptable, c’est un succès assuré : la BNP devient la première banque française, la deuxième en Europe, et la 7e mondiale en termes de bilan.
Par ailleurs, les deux banques sont complémentaires : le CNEP fait profiter la jeune BNCI de l’expérience d’une institution centenaire.
Mais cela reste tout de même un défi de fondre deux entreprises l’une dans l’autre. D’autant plus que les deux banques ont des cultures très différentes : tradition et respectabilité pour le CNEP, modernité et verve commerciale pour la BNCI.
À la suite de la fusion, la BNP compte 35 000 employés, un record dans la profession ! La masse salariale est réorganisée, sans licenciement, conformément aux engagements pris. Les statuts de la BNP sont ratifiés par la « Commission des 22 », composée de deux représentants de la Direction et de vingt représentants syndicaux.
Cependant, pour l’ensemble du personnel concerné, la surprise est totale. Officiellement, la fusion est immédiate, mais les anciennes identités subsistent pendant un certain temps, au cours duquel les employés doivent s’adapter.
« Pour vous dire à quel point cette fusion nous a marqués, c’est que dans les mois et même les années qui ont suivies, quand nous étions du CNEP, nous ne le disions pas !… »
Les équipes sont rapidement brassées, les salariés sont formés pour apprendre les méthodes de l’ancien concurrent, et des projets communs sont initiés.
Malgré ces difficultés, la BNP conserve son dynamisme commercial dans un contexte de bancarisation massive de la société française. Finalement, trois ans suffiront à faire de cette fusion une réussite.
Deux hommes clés dans la réussite de la fusion
La réussite de la fusion doit aussi beaucoup à l’entente et à la complémentarité des dirigeants de la BNP.
Henry Bizot (1901-1990)

Après un bref passage en politique, il entre au CNEP en 1930 comme Secrétaire général. Après avoir traversé la guerre, engagé dans la France Libre, il est nommé Directeur général de l’établissement en 1958, puis Président en 1964. Avant de devenir Président de la BNP, Henry Bizot cherchait déjà à moderniser le CNEP très ancré dans ses traditions.
Après la fusion avec la BNCI, Henry Bizot sera Président de la BNP jusqu’à sa retraite en 1971.
Pierre Ledoux (1914-2005)

Engagé dans la France Libre pendant la Seconde Guerre Mondiale, il devient ensuite Attaché financier pour le Quai d’Orsay. En 1951, il entre à la BNCI comme Secrétaire général où il apporte son expérience internationale. Directeur général de la BNCI-Afrique puis de la BNCI en 1963, il devient Directeur général à la BNP lors de la fusion, avant d’en devenir Président en 1971.
Pierre Ledoux a internationalisé la BNP, soutenu sa communication audacieuse et initié le partenariat historique avec Roland-Garros.
Imprimer sa marque
En 1966, la population française n’est pas encore pleinement bancarisée. Afin de préserver sa clientèle face à la concurrence accrue des autres banques dans cette période de transformation, la nouvelle banque décide de lancer une grande campagne de presse pour rassurer la clientèle et offrir la promesse de meilleurs services.
Mais encore faut-il que le public reconnaisse cette nouvelle banque ! La BNP doit très vite imposer au public son nom et son expertise. En 1966, son logo avec des lettres en relief s’affiche partout dans l’espace public.
Malgré les défis, les interrogations et les difficultés liés à la fusion, la BNP a su surmonter les obstacles et s’est affirmée comme un leader du marché.
Même la tempête de grèves de mai 1968, qui aurait pu faire s’écrouler cet édifice encore fragile, n’a pas fait échouer la fusion. Au début des années 1970, le public connaissait aussi bien la BNP que les autres banques, et le nombre de comptes ouverts à la BNP avait plus que doublé. C’est ce qu’on appelle une fusion réussie.
