Reconstruction : le rôle de Paribas dans sa mise en œuvre après-guerre 1/4

Mise à jour le : 22 Oct 2024
Première couverture d'une étude interne de la Banque de Paris et des Pays-Bas sur la législation entreprise en France en 1945 concernant les dommages de guerre et la reconstruction.

Première couverture d'une étude interne de la Banque de Paris et des Pays-Bas sur la législation entreprise en France en 1945 concernant les dommages de guerre et la reconstruction.

Si l’année 1945 est « l’année Zéro » pour l’Allemagne, elle est aussi une année difficile pour la France dont la situation n’est guère enviable : 400.000 immeubles détruits, une production industrielle en baisse de 53% par rapport à 1939. Le ministère de la production industrielle estime à 373 milliards de Francs valeur 1939 le coût de la reconstruction du patrimoine national détruit. Dès lors, les établissements financiers sont sollicités pour accompagner et participer à leur manière à cette reconstruction.

Le bilan des dommages au sortir de la guerre

Electricité, marine marchande, sidérurgie, ports, tous les secteurs industriels sont sinistrés à l’issue de la Seconde guerre mondiale. Il en est de même pour bon nombre de collectivités locales, ville comme département, dont les besoins en infrastructure sont urgents.
Les chiffres et les montants avancés sont impressionnants. Toutefois, face à la situation, l’Etat, via le Comité interministériel du plan de reconstruction, fixe les axes d’orientation et donc les secteurs prioritaires. Ceux-ci sont considérés comme tels soit pour assurer les besoins essentiels de la population comme l’électricité, les mines et houillères, soit pour relancer la machine économique comme les secteurs pétrolier, mécanique ou les ports, qui assurent approvisionnement extérieur et relancent la machine commerciale. L’évaluation fait apparaitre des besoins considérables, chiffrée à 40 milliards de francs pour le textile, 55 à 60 milliards pour les transports routiers, fluviaux ainsi que les ports, 32 milliards pour les pétroles, 16 milliards pour l’automobile, 12 pour la production alimentaire, 5 pour les travaux publics et 7 pour la menuiserie.

Reconstruction des magasins Decré à Nantes, entre 1945 et 1950. Archives historiques BNP Paribas
Reconstruction des magasins Decré à Nantes, entre 1945 et 1950. Archives historiques BNP Paribas FRAHBNPP_11Fi985


Ces importants montants alloués sont à la hauteur des besoins. Ce Comité interministériel du plan de reconstruction prévoit dès 1946 d’allouer pour les années 1947 et 1948 successivement 2,4 et 6 milliards au secteur de l’électricité, 1,9 et 2,1 milliards au secteur des mines et houillères, 3,4 et 8,8 milliards au secteur des carburants, 1 et 3,8 milliards au secteur alimentaire. Les sommes dépensées tiennent compte bien entendu de l’inflation, conséquente au sortir de la guerre.

Les groupements au service de la reconstruction

Electricité, mines et houilles, sidérurgie, chimie, ports, constructions navales, hôtellerie …… En 1945-1946, la liste des secteurs d’activité sinistrés et à secourir est longue. C’est pourquoi la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre est complétée par la loi du 30 mars 1947 dans laquelle les articles 44 à 49 permettent aux sinistrés de se grouper en une société anonyme appelée « Groupement ». Son unique but est de permettre de financer leur reconstruction dans le cadre des priorités nationales par l’émission d’emprunt obligataire, garantie par l’Etat, ce dernier prenant en charge tous les frais, intérêts et amortissements. Cette facilitation au recours à l’emprunt permet la variété des appels à l’épargne et de mettre immédiatement en œuvre les capitaux recueillis pour permettre l’exécution de la reconstruction selon l’urgence.
Pour constituer un groupement de financement, il faut que le secteur concerné soit considéré comme prioritaire dans le schéma national de redressement industriel et recouvre donc l’accord du ministère des finances sur la base d’un dossier regroupant les sinistrés avec des indications chiffrées tant des dommages que de la reconstruction projetée ou déjà réalisée.

Guide pratique pour la constitution des groupements de  sinistrés, 1947 - Archives historiques BNP Paribas
Guide pratique pour la constitution des groupements de sinistrés, 1947 – Archives historiques BNP Paribas, cote 11AH2035.


Le rôle de la banque chef de file est d’arrêter avec le groupement, les modalités de l’emprunt qui seront proposées au ministre des finances, la liste des établissements chargés du placement et de sa domiciliation. Le groupement constitué émet donc, par l’intermédiaire du chef de file ainsi que parfois des banques associées, des emprunts obligataires successifs dont le produit est affecté au financement des dépenses de reconstitution des biens sinistrés déclarés prioritaires ou de se faire rembourser ceux déjà réalisés par les sinistrés, sur leurs propres deniers. Ceci évite bien entendu les retards dans les paiements comme ce fut le cas au sortir du Premier conflit mondial. Car l’Etat a appris de ses erreurs. En effet, la loi de 1920 permettait aux sinistrés de demander le paiement par annuités de leurs dommages de guerre et de procéder immédiatement à leur mobilisation, sans frais de fonctionnement, mais à un taux plus élevé que celui qui avait servi de base pour déterminer les annuités et sans être exempt d’une hausse des prix entre le moment de fixation des indemnités et celui de la reconstruction effective. La loi de 1947 corrige donc cette erreur en finançant le coût total de la reconstruction toujours sans frais de fonctionnement, sans perte quel que soit le taux d’émission. L’indemnité finale n’est établie qu’à l’achèvement de la reconstruction, protégeant ainsi de la hausse des prix.

Prospectus de lancement du Groupement du port de Marseille, Archives historiques BNP Paribas, décembre 1948.
Prospectus de lancement du Groupement du port de Marseille, Archives historiques BNP Paribas, décembre 1948.


Le service financier de l’emprunt est assuré par l’Union industrielle de crédit pour la reconstruction [UIC] , conformément aux dispositions du décret du 19 juillet 1947. Bien entendu, pour favoriser la reconstruction rapide des structures sinistrées, les conditions de l’emprunt garanti par l’état, que ce soit le taux d’émission, les intérêts et les frais, sont de beaucoup, plus favorables à celles d’un emprunt classique individuel. Les versements étant effectués dans la limite des crédits budgétaires prévus, l’évaluation initiale des besoins est d’importance.


Les dépenses de reconstruction garanties par l’état permettent aux sinistrés industriels dont les dommages sont supérieurs à 2 millions de francs, valeur 1939, de ne pas grever leur trésorerie et surtout de remettre leurs outils de production en marche. Bien entendu, les prêts ne couvrent ni les biens courants ni les biens familiaux. Ces entreprises entrent donc au capital social de ces groupements, érigés en société anonyme, et participent proportionnellement aux dommages qu’elles ont subis. Le capital de ces groupements est de l’ordre de 400 à 500.000 francs, divisé en action de 1000 francs, remboursé à la dissolution de la structure.


Les sinistrés immobiliers, la plupart commerçants et artisans dont les dommages sont inférieurs à 2 millions de francs, relèvent de l’échelon départemental et sont invités à constituer un groupement à caractère régional. Même chose pour la reconstruction agricole, le niveau des groupements ne pouvait être que départemental mais avec une validation des ministères des finances, de la reconstruction et de l’urbanisme.

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