Accueil / Articles / BNP Paribas et l’ouverture de la Chine (2/3) : financer le développement BNP Paribas et l’ouverture de la Chine (2/3) : financer le développement Temps de lecture : 16min Nombre de likes : 12 likes Mise à jour le : 16 Déc 2022 Visite de René Thomas, président de la BNP, à la municipalité de Shenzhen (Chine) en 1985. René Thomas, Zeng Xigpei - le vice-maire de Shenzhen et Wang Quan Guo, le président de la société dédiée à la construction du complexe nucléaire de Daya Bay assistent à un cocktail - Archives historiques BNP Paribas - Cote 9Fi702-6 Tags :Chine . Histoire bancaire . relations internationales Enthousiasmées par une ouverture chinoise dont la pérennité était encore incertaine, la BNP et Paribas ont compté parmi les premières entreprises occidentales à goûter au terrain de la Chine populaire. Au tournant des années 1970 et 1980, les deux banques occupent un rôle pionnier dans le développement des relations économiques franco-chinoises et, plus largement, sino-occidentales. Initialement peu nombreuses, les perspectives d’affaires se dessinent rapidement. Désormais, il revenait aux banques d’offrir les moyens financiers qui rendraient possible la concrétisation des grands projets modernisateurs. La révolution du crédit en Chine Logiquement, l’ouverture de la Chine au commerce avec l’Occident devait être accompagnée d’un recours plus grand aux mécanismes de financement internationaux. En effet, avec l’achat de matériels, logiciels et ingénierie auprès de l’extérieur, les Chinois sont devenus de grands importateurs et ne tardent pas à faire face à un inévitable problème : celui du déficit. En dehors du dégagement d’excédents financiers au moyen de l’accroissement de leurs propres exportations, quelles solutions pouvaient-ils y apporter ? Pour une large partie, celles-ci viendront des pratiques financières, qui connaissent alors, en Chine, un véritable renouvellement. De l’intransigeance… Bureaux de la BNP à Hong Kong en 1994 – Archives historiques BNP Paribas – Cote 4Fi1156-5 Traditionnellement, la Chine avait une attitude intransigeante à l’égard des prêts étrangers. En effet, les Chinois considéraient qu’un État souverain ne pouvait s’encombrer de dettes. À l’endettement, ils préféraient les recettes de l’assistance gratuite ou égalitaire. Cette politique connaît un premier assouplissement au début des années 1970 : désormais, les Chinois s’autoriseraient à emprunter par des moyens détournés. Généralement, ils obtenaient de leurs partenaires bancaires qu’ils accordent un crédit à leur fournisseur afin que celui-ci puisse, à son tour, octroyer aux Chinois des différés de paiement. On parle alors de « crédits-fournisseurs ». Paribas, notamment, a eu l’occasion d’octroyer de tels crédits à la Chine à l’occasion de l’important contrat de 1973 pour la fourniture d’un complexe pétrochimique par Technip. N’ayant pas été financés directement, les Chinois considéraient qu’ils n’avaient pas eu recours au crédit : ils avaient simplement mené une bonne négociation. Bien évidemment, il s’agit là d’un artifice de vocabulaire visant à éviter que la Chine n’apparaisse comme emprunteuse. Cela n’en demeurait pas moins gênant : la nécessité d’utiliser un crédit-fournisseur rendait difficile le financement de grands projets. Bureaux de la BNP à Hong Kong en 1994 – Archives historiques BNP Paribas – Cote 4Fi1156-5 … au pragmatisme Avec les réformes entreprises à la fin des années 1970, cet état des choses était révolu. Les Chinois acceptaient désormais de s’endetter auprès de l’étranger. La Banque de Chine, institution responsable de la plupart des opérations financières avec l’extérieur, se résout à faire usage de formules longtemps prohibées. Pour la BNP et Paribas, il ne faisait aucun doute qu’il fallait entretenir des relations au plus haut niveau avec cette vénérable institution dont le développement irait de pair avec la politique de modernisation. Les banques se lient également avec la China International Trust and Investment Corporation, qui assure l’introduction de technologies et capitaux étrangers. Dès lors, il fallait faire preuve d’imagination pour offrir aux Chinois les conditions financières les plus attrayantes. L’attitude de la BNP et de Paribas à cet égard explique qu’à l’approche du XXIe siècle, les deux banques comptent parmi les trois premières banques françaises exportatrices vers la Chine. Rencontre entre René Thomas et le vice-gouverneur de la Banque centrale de Chine en 1988 – Archives historiques BNP Paribas – Cote 9Fi622 Offrir à la Chine les moyens de se développer Du crédit-fournisseur au crédit-acheteur En Chine, le renouveau financier se manifestait d’abord par le recours aux crédits-acheteur, qui côtoyaient désormais les crédits-fournisseur lorsqu’il s’agissait de financer l’importation de produits occidentaux. Ce mode de financement a été mis à l’ordre du jour avec la signature d’accords de coopération économique par les gouvernements français et chinois à partir de 1978. En parallèle, Paribas et la BNP ont compté parmi les premières banques signataires de conventions de crédit auprès de la Banque de Chine. Octroyés directement par une banque étrangère à un acheteur chinois, les crédits-acheteur permettent à l’importateur d’obtenir un financement à un taux attractif, et à l’exportateur d’être réglé au comptant. En dehors du crédit-acheteur, la tendance de la décennie est à l’utilisation du leasing, ou crédit-bail, qui permet de mettre un bien d’équipement à la disposition d’une entreprise pour une période déterminée contre le paiement d’une redevance périodique. À cet égard, Paribas crée la joint-venture Leasepack en 1984 aux côtés de la China National Packaging Corporation. Grâce à son activité de leasing, cette société a permis la réalisation de nombreux projets dans tous les secteurs de l’emballage tels que l’agro-alimentaire, le textile et l’électronique. De son côté, la BNP crée deux sociétés de leasing en 1985 : la South China Leasing Co Ltd et la China International Non Ferrous Metals Leasing Co. Vue des bureaux de la BNP à Shanghai en 1997 – Archives historiques BNP Paribas – Cote 10Fi859-3 Transmettre le savoir-faire financier En matière de crédit, il fallait également initier les Chinois aux outils les plus modernes. Cela fut un enjeu important, par exemple, dans le cadre des négociations pour l’octroi du crédit-acheteur devant servir à construire le métro de Shanghai. En effet, les Chinois n’étaient pas familiers de la notion de valeur nette actualisée, qui tenait compte de la variation des monnaies à long terme, paramètre essentiel à la comparaison des offres. Cependant, à force de contact et de formation auprès de Paribas et de la BNP, les experts financiers chinois ont effectué de nets progrès conceptuels en ce domaine. Ainsi, en tenant compte de la dérive du franc français, il leur apparaissait que l’offre proposée par Paribas pour le financement du métro de Shanghai était compétitive face à une offre japonaise qui leur semblait initialement plus attractive. La sophistication de l’offre financière de Paribas à Shanghai n’est ainsi pas sans rappeler la solution innovante proposée quelques années plus tôt par Patrick Deveaud pour le financement du métro de Caracas. Ainsi, les banques françaises étaient solidement équipées pour répondre aux besoins générés par le développement des exportations en direction de la Chine. Toast au diner offert par René Thomas à Shenzhen le 4 juin 1985 – Archives historiques BNP Paribas – Cote 9Fi702-6 De la santé à l’électricité : les financements de la BNP et de Paribas en Chine Initiatrice en 1978 du premier accord-cadre signé entre une banque française et la Banque de Chine pour l’octroi de crédits-acheteur, la BNP devient rapidement un partenaire incontournable : certaines années, elle traite de la moitié des exportations françaises vers la Chine. La banque se démarque dès la fin des années 1970 par le financement d’un contrat de transfert de technologie dans l’informatique. Les années 1980 sont marquées par le financement de la centrale nucléaire de Daya Bay, pour lequel la BNP octroie l’un des plus grands crédits-acheteurs jamais concédés par une banque française. À leur tour, les années 1990 voient la banque être chef de file de grands projets financés par crédits-acheteur tels que la vente d’avions Airbus et la construction de nouvelles centrales électriques. Loin de sa cantonner à l’industrie, l’action de la BNP concerne des domaines très divers, comme en témoigne le projet de financement du premier service d’aide médicale urgente de Chine à Suzhou. Le premier SAMU de Chine Dans la Chine de l’époque, l’organisation des urgences médicales était loin de répondre aux normes des pays développés. Cependant, les responsables chinois ont affirmé la volonté de mettre en place un système de santé adapté aux besoins réels de la population. C’est ainsi que la municipalité de Suzhou a entrepris de créer le premier SAMU de Chine. En 1994, la société Med In France prévoit d’investir dans ce projet à hauteur de 25 millions de francs, et choisit comme partenaire bancaire la BNP en raison de son ancrage à Suzhou. La ville était déjà le terrain d’une coopération active entre la France et la Chine : le principal client du projet est ainsi l’hôpital franco-chinois de Suzhou. Ce projet, qui ne se limite pas à l’installation d’un simple centre de soins, doit aussi être considéré comme un emblème de la présence française dans la région à travers un savoir-faire reconnu dans le domaine de la santé. Acteurs de la coopération médicale franco-chinoise au début des années 1990 – Archives historiques BNP Paribas Paribas joua également un rôle précurseur. En octobre 1979, la banque est en charge du financement pour la réalisation de la salle des machines de la centrale de Yuan Baoshan par Alsthom : c’est le premier crédit-acheteur signé par les Chinois. L’action de la banque se déploie dans les secteurs prioritaires du transport, des communications, de l’énergie et de l’alimentaire. Ainsi, dès les années 1980, Paribas finance de grands projets tels que la vente de radars aériens civils par Thomson, ou encore la fourniture d’équipement de centrale électrique et de locomotives par Alsthom. La banque est également impliquée dans la réalisation de projets d’envergure plus modeste tels que la fourniture d’équipements hôteliers, le développement de cimenteries ou l’importation des tunneliers français devant permettre la construction d’une première ligne de métro à Shanghai. Cérémonie du contrat pour fourniture des tunneliers du métro de Shanghai, 7 juillet 1989 – BNP Paribas historical archives – Cote 12AH1579-3 Rapidement, il apparaît que le financement des projets ne pouvait se baser seulement sur l’octroi de crédits. De plus en plus, les Chinois expriment le souhait de recourir à des techniques financières diverses et sophistiquées. Ainsi, Paribas et la BNP n’ont pas manqué de s’adapter aux évolutions financières qui ont marqué la Chine au cours des dernières décennies… Lire également BNP PARIBAS ET L’OUVERTURE DE LA CHINE (1/3) : RENOUER AVEC LA CHINEBNP PARIBAS ET L’OUVERTURE DE LA CHINE (3/3) : ÉVOLUER ENSEMBLE Aimer cette page 12 likes Partager cette page Linkedin Facebook Twitter Mail Copier le lien de l'article