BNP Paribas et l’ouverture de la Chine (3/3) : évoluer ensemble
Après avoir longtemps refusé de s’endetter, les dirigeants de la Chine populaire avaient finalement accepté de recourir au crédit de façon massive. Cependant, une contrainte majeure apparaît rapidement et pousse les Chinois à changer de posture : la pénurie chronique des devises étrangères dont ils avaient besoin pour importer. Sans surprise, cette problématique trouvait un écho dans le domaine financier. Ainsi, la période voit se diversifier les méthodes de financement promues par la BNP et Paribas, qui deviennent de plus en plus sophistiquées afin de répondre aux nouveaux besoins de la Chine.
Un tournant historique : la possibilité d’investir en Chine
Face à l’enjeu du déficit, les Chinois cherchaient à limiter leurs importations et promouvaient la mise en place de projets générateurs d’exportations, et donc de devises. À cet égard, une solution pouvait être d’autoriser des entreprises étrangères à investir sur le sol chinois. Or, avant les réformes, les Chinois avaient constamment rejeté cette idée. En effet, la Chine n’admettait pas les capitaux étrangers sur son sol et n’entendait pas exporter ses capitaux à l’étranger. Cette tendance reflétait la douloureuse histoire du pays : les Chinois estimaient que l’introduction de capitaux étrangers risquait de placer l’économie nationale sous le contrôle étranger, ce qui allait à l’encontre des principes d’indépendance.
Les choses changent avec les réformes. Dans un premier temps, les Chinois admettent la pratique du commerce de compensation, par lequel l’homme d’affaires vendait à la Chine des équipements et recevait en paiement une partie des produits fabriqués par la partie chinoise. Paribas et la BNP n’ont pas hésité à mettre ce mode de financement en pratique, par exemple lors de la création d’une cimenterie par Creusot-Loire à Luzhou, ou encore pour l’extraction de charbon chinois à l’initiative d’un consortium européen.
Cependant, c’est la formule de la joint-venture, ou entreprise à capitaux mixtes, qui permettait de maximiser les avantages. Cela impliquait qu’une société étrangère investisse en Chine en créant une entreprise commune avec un partenaire local. Rapidement, cette méthode est devenue le meilleur moyen de pénétrer le marché chinois. Or, la mise en place d’une joint-venture était difficile car cela supposait que le partenaire européen apporte ses capitaux et procède au transfert de sa technologie et de ses méthodes de management. Cumulé au risque d’échec, l’effort était dissuasif. Par leur prise de participation, les banques pouvaient alors jouer un rôle-clé et sécuriser l’investissement.
Paribas, notamment, ne tarde pas à promouvoir ce mode de coopération. Les risques pris par la banque allaient parfois bien au-delà du rôle qui avait jusqu’ici été celui des financiers dans l’accompagnement des entreprises à l’exportation. Ainsi, Paribas participe à la mise en place du plus grand projet de société mixte franco-chinoise dans le domaine de l’industrie alimentaire avec la création, en 1985, d’une société de brasserie-malterie dédiée à la production de bière Kronenbourg. La banque a également contribué, aux côtés de l’entreprise BSN, à la création d’une joint-venture dédiée à la fabrication et à la commercialisation des premiers yaourts Danone en Chine. De son côté, la BNP a été, aux côtés de Peugeot, le principal co-investisseur français de ce qui était alors la plus importante joint-venture franco-chinoise : la Guangzhou Peugeot Automobiles Company Ltd, créée en 1985 et dédiée à la production automobile.
La Guangzhou Peugeot Automobile Company
Après 30 années de production essentiellement tournée vers les poids lourds, les dirigeants chinois s’orientaient vers le renforcement des moyens de transport et de communication. Il s’agissait donc de modifier la nature des produits automobiles en accroissant la part des petits utilitaires légers et en donnant un essor aux berlines et dérivés. L’objectif : une production de 15 000 véhicules légers par an. Ainsi, le 15 mars 1985, Automobiles Peugeot et la BNP signent avec la municipalité de Canton un accord industriel de grande portée prévoyant la production en Chine de véhicules Peugeot. Cette coopération sous forme de joint-venture est la première de ce type entre la France et la Chine dans le domaine de l’automobile. Le coût global de l’opération s’élève à environ 800 millions de francs, et la BNP représente 4 % de l’apport en capital. Ainsi, il s’agissait de la plus importante joint-venture réunissant les deux pays.
Le développement des financements spécialisés
En Chine, les méthodes de financement du commerce extérieur n’ont fait que devenir de plus en plus sophistiquées. La tendance des années 1990 est à l’adoption des financements dits « spécialisés », qui diffèrent des emprunts classiques en ce qu’ils répondent au caractère spécifique des structures financées.
Tel est le cas des opérations de « project financing », ou financement de projet. En effet, malgré la multiplication des joint-ventures, les autorités chinoises restaient alarmées par le niveau de la dette. Elles ont alors porté un intérêt croissant au développement de ce type de montage, qui permet de financer des grands projets d’infrastructure devant bénéficier à l’intérêt général, avec pour particularité que la dette mise en place sera remboursée grâce aux revenus générés par l’exploitation du projet. En Chine, cette innovation financière apparaît pour répondre aux besoins des projets énergétiques, qui sont prioritaires dans un pays souffrant de pénuries. Ainsi, le premier projet de ce type, dédié à la construction de la centrale électrique de Rizhao en 1996, prend la forme d’un build-operate-transfer auquel Paribas contribue dans le cadre d’un pool bancaire international.
Au-delà des opérations de project finance, Paribas et la BNP ont participé au développement d’autres types de financements spécialisés. Cela était le cas, par exemple, dans le secteur des médias, qui requérait lui aussi une logique propre de financement. Les deux banques contribuent ainsi à la naissance des activités de media financing en Chine. Mais, au cours des années 1990, c’est surtout en matière d’aircraft financing qu’elles développent leurs activités afin de répondre aux besoins particuliers de l’aviation civile. C’est ainsi qu’en 1996, par exemple, Paribas obtient le chef de filat pour financer l’achat par la Chine de quatre avions Airbus.
Les années 2000 : la banque recentre ses activités
Au début des années 2000, le groupe BNP Paribas doit se repositionner sur un marché chinois où l’ensemble des métiers bancaires évolue. De plus en plus, les crédits à l’exportation sont octroyés par les banques chinoises, tandis que les banques étrangères sont contraintes par une réglementation protectionniste. Ainsi, Michel Pébereau, à la tête de l’établissement bancaire issu de la fusion de la BNP et de Paribas, entreprend de recentrer les activités du groupe en Chine vers la banque d’affaires.
À cette fin, BNP Paribas peut s’appuyer sur une banque installée à Shanghai et issue de l’Industrial and Commercial Bank of China, joint-venture constituée en 1993 et dont BNP Paribas avait repris l’intégralité des parts. Depuis 1997, cette entreprise bénéficiait d’un atout majeur : l’autorisation à travailler avec la monnaie locale, le Renminbi. D’autre part, le groupe voit aboutir ses efforts en matière de gestion de fonds en signant un accord de coopération avec Shenyin & Wanguo. Il reçoit également le feu vert pour la mise en place d’une joint-venture avec la maison de titres Changjiang Securities. En 2006, le groupe lance BNP Paribas Banque Privée, puis en 2008 BNP Paribas (China) Limited signe une joint-venture avec Bank of Nanjing avec 12,6% de participation pour des opérations de crédit à la consommation.
Si la banque a dû changer d’orientation face à un environnement chinois particulièrement mouvant, ses activités de financement de l’exportation et d’investissement n’en ont pas été interrompues pour autant. À cet égard, les coopérations du présent sont souvent le fruit des coopérations passées : les entreprises qui ont été les partenaires de BNP Paribas durant les premiers jours de cette aventure n’ont pas manqué de refaire appel à la banque.
D’emblée, l’entrée dans le XXIe siècle est marquée par la réalisation du gigantesque barrage des Trois Gorges, pour lequel Alstom fournit plusieurs turbines en partenariat avec BNP Paribas. Ainsi, quel que soit leur taille ou leur secteur d’activité, les entreprises françaises désireuses d’exporter en Chine ont pu bénéficier d’une gamme de services bancaires très complète.
Le Groupe BNP Paribas est aujourd’hui solidement implanté en Chine, où il mène des activités de wealth management, d’assurances, de crédit à la consommation, d’investissements institutionnels et financement des grandes entreprise. À la fois banque locale et groupe d’envergure internationale, BNP Paribas reste donc fidèle à son histoire et continue de participer au développement des échanges économiques avec la Chine, aujourd’hui devenue un immense pôle mondial de développement.
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