Mêmes initiales, même combat : Josiane Dairin et Jacques David de la BNCI à la Résistance

Mise à jour le : 23 Juin 2025
Portraits Josiane Dairin et Jacques David
Portraits de Josiane Dairin et Jacques David, création Archives historiques BNP Paribas

Tous deux employés de la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie, leurs destins ont en commun la Résistance et la déportation.
Josiane Dairin est déjà résistante lorsqu’elle rejoint la Banque dans le Nord de la France en 1942. Elle héberge des résistants chez elle.
Jacques David s’engage dès septembre 1939 dans l’armée française. Il vient d’être libéré de sa prison allemande lorsqu’il devient surnuméraire à la BNCI de Nemours en 1942. L’année suivante il décide de reprendre contact avec la Résistance et rejoint les combattants en Afrique du Nord.
Découvrez les actes de bravoure réalisés par cette femme et cet homme qui, tout juste sortis de l’adolescence, sont plongés dans les tourmentes de la Seconde Guerre mondiale.

Josiane Dairin, entrée en résistance à 16 ans

Josiane Dairin naît à Saint-Valéry-sur-Somme le 15 juin 1924. Au début de l’été 1942, elle rejoint les effectifs de la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie, dans sa ville natale, en tant qu’employée de banque.
Mais elle a rejoint la Résistance 2 ans auparavant. En 2013, Michel Segonzac recueille le témoignage de Josiane sur sa déportation. Il lui demande comment, à tout juste 19 ans, elle pense à entrer en Résistance. Josiane lui répond « on ne pensait pas, on était contre les Allemands naturellement » (propos relatés dans le bulletin n° 54 de la société d’archéologie et d’histoire de Saint-Valéry-sur-Somme et du Ponthieu, page 108).

Portrait fourni par la famille de Josiane Dairin

La fille de Josiane nous relate un des événements dont sa mère lui a parlé : « Lorsqu’elle travaillait à la BNCI, pendant la guerre, elle se souvient qu’elle partait avec son directeur, Monsieur Charles Tavernier, à Cailleux via Le Hourdel, en bicyclette. Ils effectuaient ce trajet une à deux fois par semaine. Lors d’un des parcours, ils se sont fait dévaliser par des résistants – qui avaient besoin d’argent pour leurs actions – et qui leur ont pris un million de francs de l’époque. »

Josiane et sa mère Marcelle, coiffeuse, jouent un rôle actif dans la Résistance en hébergeant des résistants chez elles.

En mars 1944, elles hébergent Pierre Gest, un jeune Franc-tireur et partisan français (FTPF) qui est en fuite. Ce mécanicien armé et très actif est recherché par les Allemands.

Mais leur engagement est découvert et, le 14 mars 1944, Josiane et sa mère sont arrêtées par la Gestapo sur dénonciation. Pierre Gest tombe avec elles et est déporté à Buchenwald sous le matricule 85550.

Âgée d’à peine 20 ans, Josiane est déportée et déplacée dans plusieurs camps. Initialement, elle est détenue avec sa mère, mais leur séparation est inévitable.

Lorsqu’elle arrive à Ravensbrück, on lui attribue le matricule 38823. En juin 1944, elle est envoyée seule au Kommando de femmes de Hannover-Limmer, où elle rejoint plus de 1000 autres détenues pour fabriquer des masques à gaz.

Josiane Dairin est libérée du camp de Bergen-Belsen au printemps 1945. Elle reprend son poste à l’agence de Saint-Valéry-sur-Somme, grâce à la politique de réintégration de la BNCI, qui, comme de nombreux autres établissements, s’engage à réembaucher les agents qui ont été prisonniers de guerre.

Façade de la BNCI en 1948, Archives historiques BNP Paribas, 3Fi297. On peut lire sur la devanture le nom de la banque régionale absorbée par la BNCI en 1937 : la banque Adam

En 1944, la BNCI met en place des mesures d’indemnisation pour les personnels prisonniers de guerre, avec effet rétroactif au 1er mai de la même année. Les agents prisonniers peuvent ainsi bénéficier de toutes les mesures d’augmentation de salaire et de grade qui auraient dû leur être accordées s’ils n’avaient pas été fait prisonniers.
Ces mesures sont étendues à tous les agents qui ne percevaient aucune indemnité auparavant ainsi qu’aux stagiaires. Elles complètent les soldes militaires.

Circulaires de la BNCI, 1944, Archives historiques BNP Paribas, 251AH024

Josiane quitte ses fonctions en septembre 1946 pour se marier avec le peintre américain William Einstein. Elle a été décorée de la Croix de Guerre et de la médaille militaire ainsi que de la légion d’honneur.

Derrière la porte, une histoire, un destin

Michelle Tajan

Jacques David, un étudiant dans les Services secrets

Jacques David naît le 2 juin 1920 à Penhars, en Bretagne. Il est étudiant lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate et entre dans la Résistance en novembre 1940.
Il est agent de renseignement et a pour mission de collecter des informations pour le service des renseignements de l’armée de l’Air française. Des informations qui seront ensuite transmises aux services anglais via la valise diplomatique de Vichy.

Portrait issu du dossier de personnel du SHD de Vincennes n° GR 28 P 425 73

Arrêté à la suite d’une dénonciation le 25 mars 1941, Jacques David est interné à la prison de la Santé puis à celle de Fresnes. Cinq mois plus tard, un tribunal militaire allemand le condamne à 4 ans de réclusion.

Mais il n’y reste que quelques mois car il est libéré sous condition et assigné à résidence.
C’est à la suite de son retour chez ses parents qu’il trouve un emploi à la BNCI de Nemours à partir du 1er mai 1942 en tant que surnuméraire.

En 1943, réfractaire au Service du travail obligatoire (STO), il reprend contact avec la Résistance locale. Il repart dans la clandestinité et rejoint l’Afrique du Nord en passant par l’Espagne. Jacques David est ensuite engagé au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) d’Alger puis à la Direction générale des Études et Recherches (DGER) et intègre l’armée de la Libération.

Agence BNC de Nemours en 1925, Archives historiques BNP Paribas, 3Fi142 : La BNC cesse ses activités en 1932. La BNCI est créée pour reprendre une partie de sa clientèle et de ses agences, dont celle de Nemours.

Il est décoré de la médaille de la Résistance et fait Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’honneur.

Jacques David à la BNCI

Comme Josiane Dairin, le maintien de son poste lui a été assuré par la BNCI. Il réintègre donc son agence à la Libération et fera ensuite une longue carrière dans la banque aussi bien en France qu’à l’étranger (Troyes, Romilly-sur-Seine, Saigon, Dakar, Abidjan, Conakry, Bouake, Briançon, Périgueux, Lyon).
En 1975, il devient sous-directeur de succursale dans le réseau Rhône-Alpes Auvergne de la BNP. La BNCI a en effet fusionné avec le CNEP pour donner naissance à la BNP en 1966.
Il prend sa retraite en septembre 1976 (Bulletin d’information n°40 de l’association amicale des retraités de la BNP, Archives historiques BNP Paribas, PER86_1976_040).

Résistance et espionnage, Book on Demand, 2023.

Thierry Marchand

En 1959, les circulaires de la BNCI nous permettent d’appréhender les conditions et les motivations de recrutement des surnuméraires par la banque (cote 251AH098). Selon ces documents, un surnuméraire est « un agent de qualité » recruté en excédent d’effectif pour remplacer un cadre. Qu’est-il entendu par “agent de qualité” ? Cela signifie que le candidat a « suivi des études », « se présente bien » et fait preuve « d’ouverture d’esprit ». Il a entre 18 et 25 ans et va suivre une formation d’un an environ avant de prendre son premier poste. Si tout se passe bien, il rejoindra les cadres de l’entreprise.

François Hecker, Directeur Général-Adjoint à la Division Internationale de BNP, correspond à ce profil. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale il souhaite travailler en banque. La première porte qu’il ouvre est celle du CNEP où on lui propose un poste de surnuméraire. Il repousse cette première offre et candidate au Crédit Lyonnais. Il reçoit la même offre mais veut aller consulter la troisième banque présente dans cette rue, à savoir, la BNCI. Il y est reçu par le Directeur du Personnel qui lui pose quelques questions sur ses expériences passées. François Hecker a connu six années de guerre après ses études. Il retrace les grandes lignes de ce qu’il a vécu à partir de septembre 1939 et son engagement dans l’armée. Il évoque l’école militaire, les combats, l’emprisonnement, l’évasion du camp des aspirants « Aspirantenlager », puis la Résistance quand il travaille sous un faux nom dans les usines françaises où étaient montés les V1 afin de recueillir des renseignements techniques. Il raconte enfin la Libération, pendant laquelle il forme les officiers. Il quitte alors l’armée et le voilà, à 22 ans, à l’entrée de la BNCI.
Le Directeur du Personnel prend son téléphone et annonce à son interlocuteur « qu’il a quelqu’un qui pourrait l’intéresser« . L’interlocuteur n’est autre qu’Alfred Pose, alors Directeur de la BNCI qui cherche des profils sans formation universitaire mais avec un parcours actif durant la Seconde Guerre mondiale pour rejoindre ses effectifs et relever le défi de la construction d’une BNCI toute jeune. Alfred Pose lui dit alors «  Monsieur, vous êtes maintenant dans la Maison qui vous attendait, pas question que vous alliez ailleurs, c’est ici qu’est votre destin, donc vous entrez chez nous dans huit jours. Vous serez stagiaire spécial…« . Ce n’est pas en tant que surnuméraire que François Hecker est recruté. Ceci l’aurait forcé à partir en formation, loin du terrain. Alors que c’est justement le terrain qu’il recherche, puisqu’il n’a pas donné suite aux offres des autres banques. C’est donc un statut de « stagiaire spécial » que signe François Hecker afin de suivre 18 mois de stage. Ce stage contient plusieurs immersions sur différents postes. Après chaque expérience, François Hecker rédige un rapport et l’un d’eux termine sur le bureau d’Alfred Pose. En 1947, la première affectation de François Hecker sera à l’Inspection.

Archives historiques BNP Paribas, AUA22

  • Cet article a été réalisé avec l’aide de l’historien, Thierry Marchand.

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