BNP Paribas au cœur de la Seconde Guerre mondiale : la BNCI sur plusieurs fronts

Temps de lecture : 14min Nombre de likes : 16 likes Mise à jour le : 23 Sep 2024
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Alors que les accords de Munich, signés le 30 septembre 1938, préparent l’Europe à la guerre qui éclate le 1er septembre 1939 avec l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, les réseaux bancaires d’Europe doivent revoir leurs méthodes de travail et d’organisation. La Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie (BNCI) est obligée d’adapter son fonctionnement à la guerre et à la crise politique qui prend jour.
Nous avons lu toutes les circulaires émises par la banque durant la décennie de 1938 à 1947 et vous proposons de voir comment la BNCI est devenue un acteur pro actif face aux bouleversements économiques, sociaux et politiques avant et durant la guerre, et dans la première phase de reconstruction.
Essayons de comprendre quels ont été les choix de la banque pour continuer à servir ses clients et à permettre à ses collaborateurs de concilier vie professionnelle et vie personnelle en dépit des conditions de guerre.

Une banque au service de l’effort de guerre et de la reconstruction du pays

La suspension des relations économiques avec les pays ennemis

Dès la signature des accords de Munich en 1938, Winston Churchill avait déjà annoncé la couleur : « ils auront le déshonneur et la guerre ». L’avenir lui a donné raison, lorsque la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, deux jours après l’invasion de la Pologne. Cependant, c’est dès 1938 que la BNCI prend des mesures contre les pays « ennemis » de la France. Comme en témoignent les circulaires, les transactions avec l’Italie et l’Allemagne sont faites avec plus d’attention, il est spécifié de « ne prendre aucun engagement » concernant les emprunts monétaires. En réalité, ces mesures font basculer la banque dans une guerre de longue durée.

Circulaire de la BNCI, 26 septembre 1939, Archives historiques BNP Paribas
Circulaire de la BNCI, 26 septembre 1939, Archives historiques BNP Paribas

La participation à l’effort de guerre et au marché de guerre

L’année 1939 est une année bascule pour la banque : entre relations monétaires compliquées avec les territoires envahis par l’Allemagne comme la Moravie et la Bohème, et avoirs bloqués de l’Allemagne à partir du 1er septembre 1939, la BNCI entre en économie de guerre. Une circulaire du 26 septembre 1939 indique la participation de la banque à l’effort de guerre et au marché de guerre. Mais cet effort est avorté lorsque les Allemands, lors de la bataille de France du 10 mai au 25 juin 1940, envahissent la France et font signer l’armistice dans la clairière de Rethondes le 22 juin 1940.

Une banque au service de la reconstruction à destination des collaborateurs et du pays

L’Occupation met la banque sous tutelle du gouvernement de Vichy et des injonctions allemandes. Après avoir été impliquée dans un effort de guerre de courte durée, et après une période l’obligeant à se conformer à la politique menée par le gouvernement de Vichy, la BNCI va retrouver son rôle de banque investie en apportant l’aide nécessaire à la reconstruction du pays dès juin 1944.

La libération progressive du pays permet à la France de se reconstruire progressivement. La première mesure est le paiement d’une allocation exceptionnelle versée aux employés de la banque pour subvenir à leurs besoins, ainsi que le versement d’une allocation logement le 5 juillet 1946 aux employés de la banque pour les sinistrés des bombardements.

Libération de Paris, CNEP, 2 place de l'Opéra, 25 août 1944, Archives historiques BNP Paribas, 9Fi54
Libération de Paris, CNEP, 2 place de l’Opéra, 25 août 1944, Archives historiques BNP Paribas, 9Fi54

A partir du 19 mai 1947 et le lancement de « bons de reconstruction », la BNCI va permettre de financer des chantiers de reconstructions de bâtiments publics. Ils “sont destinés à procurer immédiatement les ressources de crédit nécessaires au financement de la reconstruction en attendant la réalisation d’emprunts à long terme”. Ces bons sont émis pour une durée de trois ans et font l’objet d’une exemption fiscale, les intérêts sur ces bons étant exemptés de toute taxe et d’impôt général sur le revenu. Le taux, de 2,5%, est relativement bas et les émissions se font par bons de 1 000 francs à 5 000 000 de francs.

La stratégie de reconstruction menée par la banque touche à la fois ses employés et le pays dans son ensemble. Parallèlement, tout le maillage territorial de la BNCI a été touché par le conflit, qui doit s’atteler à la recomposition de son réseau.

Une banque qui se recompose territorialement

La guerre éclair de 1940 redessine le réseau bancaire

La banque a dû se replier, que ce soit à la suite de l’invasion éclair de la France en mai et juin 1940 ou durant la libération du territoire à partir de juin 1944.

Dès 1938, les titres des succursales sont évacués pour être protégés. Le 23 mai 1940, les sièges du nord du pays et ceux non loin de la frontière avec les pays tout juste envahis – la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, se replient. C’est le cas pour les succursales de Boulogne-sur-Mer et d’Amiens, jusqu’à Angers. C’est aussi le cas des sièges de Lille à Caen, de Valenciennes à Paris ou encore de Longwy à Bordeaux. L’invasion de la France par l’Allemagne oblige donc la BNCI à déplacer dans la précipitation ses sièges et donc ses employés.

Valenciennes - agence BNCI, 52 rue de Paris. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi364-2
Valenciennes – agence BNCI, 52 rue de Paris. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi364-2
BNCI, agence de la Rue David d'Angers en 1942. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi503-2
BNCI, agence de la Rue David d’Angers en 1942. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi503-2

Pour les employés de la banque, celle-ci déploie une aide de “surprime risque terrestre de guerre” qui couvre les “risques ordinaires” des employés de la banque dans cette période de repli. Ces aides permettent de couvrir les dommages corporels dus aux bombardements et aussi les frais en cas d’hospitalisation et d’arrêt forcé de travail, comme en témoigne une circulaire du 25 mai 1940.

L’Opération Overlord et le repli des sièges à l’ouest

Au moment du débarquement, les bombardements s’intensifient et les suspensions de courriers débutent. Une circulaire du 6 juin 1944 demande l’arrêt d’envois des courriers vers la succursale de Rouen en raison des bombardements et une autre du 9 juin annule tout envoi de courriers vers les succursales de Caen, Bayeux, Deauville ou encore Valognes. Le 12 juin 1944, la succursale de Cambrai est transférée à cause des bombardements.

Agence BNCI à Rouen en reconstruction après les bombardements. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi553-1.jpg
Agence BNCI à Rouen en reconstruction après les bombardements. Archives historiques BNP Paribas, 11Fi553-1.jpg

La banque s’efforce donc de pallier de nombreux risques dus à l’invasion de la France. Elle mêle réorganisation territoriale à des préoccupations humaines, sociales, voire sociétales.

Une banque qui déploie sa fibre sociale

La question sociale pour les familles sans figure paternelle

La guerre engendre des sinistrés, des déplacés, des familles décomposées, des pères de familles prisonniers et des épouses laissées seules avec leurs enfants. Durant ces années, la BNCI développe parallèlement à ses activités des “offres de soutien » à destination de ses employés.

Il est question d’abord des travailleurs requis pour le travail en Allemagne. La BNCI met en place un système d’indemnités d’éloignement et d’allocations familiales pour les familles dont les pères, agents de la banque, sont faits prisonniers pour le travail en Allemagne. En effet, lors de l’année 1942, plus de 70 000 hommes sont requis pour le travail, ce chiffre atteindra plus de 650 000 hommes entre 1942 et 1944. Ce sont donc les “délégataires” qui vont percevoir ces allocations, en l’occurrence les épouses des hommes mobilisés. La question de l’éloignement du père devient donc centrale dans la politique sociale de la BNCI.

La BNCI promeut la famille : un essor d’aides multiples

A partir de la libération progressive du territoire, la banque élargit l’éventail de ses aides. Elle crée des dispositions pour les accidents de travail survenus en temps de guerre. Une “caisse d’Entr’aide” est mise en place à partir du 26 juin 1944 pour les salariés de la banque à destination des sinistrés de guerre, c’est-à-dire les personnes dont le patrimoine immobilier ou/et l’intégrité physique a été touché. A partir du 30 mars 1945, la banque développe un système d’aides plurielles comme des dispositions communes et simplifiées aux allocations familiales et à la prime au salaire unique, des primes de naissance, des allocations aux parents à charge, un prêt au mariage, une prime ménagère, une prime de scolarité, des contributions aux frais de séjours pour les enfants dans les colonies de vacances ou encore des allocations accordées lors d’un mariage ou d’un décès.

Carte postale envoyée de Vercel-Villedieu-le-Camp à Drancy par Nicole Fichon, 1950. Archives historiques BNP Paribas, 3Fi491
Carte postale envoyée de Vercel-Villedieu-le-Camp à Drancy par Nicole Fichon, 1950. Archives historiques BNP Paribas, 3Fi491
Photos de la colonie de vacances de Landifer, 1948-1952, Archives historiques BNP Paribas, 9Fi750
Photos de la colonie de vacances de Landifer, 1948-1952, Archives historiques BNP Paribas, 9Fi750

Le 19 octobre 1945, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) crée la Sécurité sociale et deux ans plus tard, une circulaire du 28 mars 1947 confirme l’adhésion de la banque au régime de Sécurité sociale pour les prestations familiales. A la suite de cela, une allocation aux mères de familles nombreuses d’au moins cinq enfants est adoptée par la banque.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la BNCI, grâce à son esprit d’organisation et à sa constante réactivité, a su résister et se préserver. Elle s’est employée à protéger à la fois ses activités et ses employés, tout en prenant part à la reconstruction.

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