La révolution du back office dans les années 1930
L’innovation peut prendre des formes diverses. Dans le secteur bancaire, l’une des plus grandes mutations a concerné l’organisation du travail. Dans les années 1930, la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) a ouvert la voie à cette révolution en séparant les tâches administratives et les tâches commerciales. C’est la naissance du « back office », avec la création de centres administratifs. Grâce à la rationalisation du travail et à son sens de l’innovation, la BNCI a su développer sa croissance durant ces années difficiles sur le plan économique.
Repartir sur de nouvelles bases
La Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) est créée le 18 avril 1932, après la liquidation officielle de la Banque nationale de crédit (BNC), sévèrement touchée par la crise financière de 1929. Le changement de nom est un marqueur de renouveau, porté avec énergie par le directeur général Alfred Pose. Entouré de jeunes polytechniciens et diplômés d’HEC, Pose remodèle profondément la BNCI, notamment en rationnalisant l’organisation des personnels et des tâches qui leur sont affectées. Car il est impératif d’optimiser le temps de travail des employés, limité à huit heures par jour depuis la loi du 23 avril 1919. Les dépenses liées au personnel constituent l’essentiel des dépenses de fonctionnement de la banque, appelées « frais généraux ».
Pour gagner en rentabilité, la BNCI ferme une centaine de sièges peu rentables, entre 1932 et 1935. Elle s’inspire aussi du taylorisme qui connait une belle prospérité en Europe depuis les années 1920. Cette méthode, développée par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, préconise l’organisation scientifique du travail (OST) afin d’améliorer le rendement et les moyens de production.
Séparer pour mieux travailler
Avec Alfred Pose, la BNCI amorce un tournant majeur : la centralisation du travail administratif, distinct des postes commerciaux. Chaque employé se voit attribuer une tâche précise, correspondant à ses compétences. Dès les années 1930, la banque crée des centres administratifs qui permettent aux personnels en agence de se libérer des tâches de secrétariat, comptabilité et classification. Le premier ouvre à Bordeaux, en 1934.
D’autres centres régionaux suivent et permettent de centraliser les emplois de bureau, alors que la mécanographie vient révolutionner le secteur bancaire. C’est le début des traitements électro-comptables, avec des machines conçues pour faire gagner du temps – et par là même de l’argent. La BNCI se positionne comme précurseur en France, car cette organisation du travail distinguant administratif et commercial ne se généralisera en Europe que dans les années 1960-1970, avec le développement de l’informatisation.
Des outils pour avancer
Dans le « back office », comme on l’appelle aujourd’hui, le matériel mécanographique transforme véritablement le travail. La banque doit gérer un nombre croissant de comptes clients et plusieurs dizaines de tonnes de papier sont utilisées chaque mois pour établir des bordereaux, pièces comptables, titres mobiliers, relevés de comptes… Il est donc nécessaire d’automatiser les opérations. Mariage réussi de la machine à écrire et de la calculatrice, la machine à calculer gagne sa place dans les bureaux, tout comme la machine à statistiques. La carte perforée est le support sur lequel l’opératrice de saisie tape des positions de compte, des chèques… Son avantage est d’être réutilisable, pour calculer chaque mois la paie du personnel ou conserver des données fixes.
Les machines à cartes perforées, parce qu’elles automatisent des opérations, éliminent en outre de nombreuses erreurs humaines. Avec la reproductrice, il devient possible d’inscrire une information sur plusieurs registres à la fois. Dans les nouveaux centres administratifs de la BNCI, tout est pensé pour optimiser les gestes. Des photographies de l’époque nous montrent ainsi des chaises sur rails, conçues pour faire gagner du temps lors des classements.
L’efficacité au service de la croissance
Née d’une faillite, la BNCI se donne les moyens de réussir. Au-delà des centres administratifs régionaux, cela se traduit concrètement par le rachat d’actifs de banques locales ou régionales en difficulté, telles que la Banque du Dauphiné dans le sud-est ou la Société nouvelle de la banque Adam (SNBA), dans le Pas-de-Calais. Cette politique commerciale, aussi volontaire qu’efficace, assoit la position de la BNCI.
La réorganisation du personnel s’applique dans tous les nouveaux sièges ouverts par la banque : on en compte soixante-dix en 1936. À chaque fois, le département Organisation, logé au sein de l’Inspection générale, se charge de former les nouvelles équipes aux méthodes de l’établissement. Le rendement est amélioré dans les bureaux comme aux guichets, où les employés peuvent se consacrer à la clientèle et au développement commercial. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la BNCI s’affirme comme la banque française la plus dynamique.
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