André Tardieu et Horace Finaly au secours des placements obligataires français

Temps de lecture : 9min Nombre de likes : 5 likes Mise à jour le : 16 Déc 2022
Lettre d'Horace Finaly au ministre André Tardieu, 1926. Archives historiques de BNP Paribas.

Lettre d'Horace Finaly au ministre André Tardieu, 1926.

C’est dans un climat de relative détente internationale que Horace Finaly, directeur général de la Banque de Paris et des Pays-Bas, écrit en ce mois d’octobre 1926 à André Tardieu, ministre des Travaux publics. Cette courte lettre évoque le retour éventuel des acteurs financiers américains sur le marché obligataire* français. En effet, ce marché est mis à mal depuis quelques mois par une instabilité importante du Franc. La missive a donc pour objectif de faire un point de situation.

Qui est André Tardieu ?

Ancien collaborateur de Clemenceau, André Tardieu est un ancien élève du Lycée Condorcet, tout comme Horace Finaly. Il s’oriente rapidement vers le journalisme avec un sujet de prédilection, la diplomatie. Il restera donc longtemps proche du Quai d’Orsay.

Au cours de la Première guerre mondiale, après un passage sur le front, il se tourne vers la politique. Dès l’entrée en guerre des Etats-Unis auprès des alliés en avril 1917, il est envoyé par le gouvernement à Washington pour coordonner les relations franco-américaines et assurer les besoins français auprès des milieux industriels et militaires. C’est donc lui qui assure l’approvisionnement de la France en denrée mais aussi en arme, afin de faire face au conflit.

André Tardieu, président du Conseil français, prononçant l'éloge funèbre président Paul Doumer lors de ses obsèques.
André Tardieu, président du Conseil français, prononçant l’éloge funèbre président Paul Doumer lors de ses obsèques, mai 1932. Référence Wikicommons (domaine public).

Proche de Clemenceau notamment lors de la Conférence de la paix de 1919, André Tardieu reste dans les milieux du pouvoir jusqu’à l’arrivée du Cartel des gauches en 1924. A la faveur de la crise du Franc de 1926 qui voit la monnaie s’effondrer par rapport aux autres devises (perte de 9/10 de sa valeur par rapport à la Livre sterling par exemple), le Cartel des gauches éclate. Poincaré revient au pouvoir et nomme André Tardieu ministre.

Horace Finaly écrit à André Tardieu à propos du marché obligataire français

Horace Finaly adresse une lettre à André Tardieu, non pas en tant que ministre des Travaux publics mais en tant que fin connaisseur du monde financier américain.

Le contexte de crise financière qui touche la France depuis le début de l’année 1926 entraine un climat de défiance envers les placements que pourraient opérer institutions comme entreprises françaises. Il est donc important de rassurer les marchés en la capacité de la France à stabiliser sa monnaie. Cette condition est une nécessité pour accéder sereinement au marché obligataire américain. Il n’est donc pas surprenant qu’André Tardieu soit sollicité pour intercéder outre-Atlantique et mettre à disposition des intérêts français son carnet d’adresse et son entregent. 

La lettre est donc un échange entre Horace Finaly et André Tardieu, entre un des plus grands financiers de la place de Paris et un des meilleurs connaisseurs des Etats-Unis.

Lettre d’Horace Finaly au ministre André Tardieu, 1926. Archives historiques BNP Paribas, cote 17Cabet3

Les acteurs financiers américains sur le marché obligataire français

Au-delà d’une simple lettre de quelques lignes, cet échange témoigne de plusieurs éléments.

Tout d’abord la proximité des dirigeants de la Banque de Paris et des Pays-Bas avec des personnalités politiques de la IIIème République. Outre le ministre des Finances de l’époque qui n’est autre que Raymond Poincaré lui-même [la situation de crise nécessitait que le Président du conseil prenne en charge ce portefeuille], Horace Finaly n’hésite pas à informer ces divers contacts ministériels.

Cette lettre montre aussi l’implantation importante de la Banque de Paris et des Pays-Bas sur le marché financier américain. Maurice Boyer, le représentant de la banque à New-York jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, use de son influence depuis 1919 pour défendre les intérêts de la banque sur ce marché en devenir.

Titre de la Société anonyme des hauts-fourneaux, forges et aciéries de Denain et d'Anzin, 1926. Archives historiques de BNP Paribas, cote 4IMP6-1533.
Titre de la Société anonyme des hauts-fourneaux, forges et aciéries de Denain et d’Anzin, 1926. Archives historiques de BNP Paribas, cote 4IMP6-1533.

Enfin, la Banque de Paris et des Pays-Bas est régulièrement chef de file dans les placements obligataires institutionnels comme des entreprises. Son influence à New-York lui permet de placer facilement les obligations sur le marché américain qui est déjà l’un des plus importants au niveau mondial. Il apparaissait donc important à Horace Finaly d’informer du retour de la France sur les marchés financiers mondiaux après une période d’incertitude et de turbulence mais aussi de signaler que la Banque de Paris et des Pays-Bas était prête à y répondre.

Trois ans plus tard, le Krach de Wall Street d’octobre 1929 réduira les ambitions de la Banque sur le marché américain mais elle restera présente malgré tout.

Une autre saga

Il est à noter qu’en cette année 1926, en parallèle de la Banque de Paris et des Pays-Bas, une autre banque ancêtre du groupe BNP Paribas est déjà bien implantée aux Etats-Unis. Il s’agit du Comptoir national d’escompte de Paris, le CNEP. Présent à San Francisco dès 1877 et constamment présent à New-York depuis 1903, le Comptoir s’implante aussi fortement et durablement Outre-Atlantique en juillet 1919 en créant la FABC, la French American Banking Corporation, avec deux autres établissements américains. Mais cela est une autre histoire !

Qu’est ce qu’une obligation ?

Une obligation est un morceau de dette émis par une entreprise, une collectivité territoriale ou un État. Lorsque l’une de ces entités (entreprise, collectivité ou État) souhaite se financer, les montants requis peuvent nécessiter l’intervention de nombreux créanciers.
Les banques ancêtres de BNP Paribas aidaient notamment les entreprises à se financer sur les marchés financiers en organisant les introductions des titres en tant qu’intermédiaires.

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