Reconstruction 4/4 : comment Paribas a soutenu les industries après 1945
Au sortir de la Seconde guerre mondiale, la France est exsangue. Le rationnement est étendu à tous les secteurs d’activité et notamment aux biens de consommation courante. Face à la pénurie dans certaines régions, le redressement de l’économie nationale est urgent et Paribas y participe. A travers le financement des industries pétrolières et alimentaires, Paribas a permis un redressement plus rapide de l’économie française.
L’industrie pétrolière
Au sortir du Premier conflit mondial, le pétrole devient un enjeu. Au sortir du Second, il devient une arme. La reconstitution de cette industrie pétrolière est une nécessité, puisque cette denrée conditionne le redressement économique, étant à la base de nombreuses fabrications de pharmacopée, de textiles, des plastiques et caoutchouc synthétiques…. Elle répond aussi aux besoins énergétiques de l’industrie, à la motorisation de l’agriculture, à l’accroissement des transports routiers, au développement de l’aviation commerciale comme l’amélioration du quotidien des Français, sa valeur énergétique pour le chauffage étant 1,5 supérieur à celle du charbon. Encore faut-il que les raffineries soient opérationnelles. La capacité de 1939 des 15 raffineries à 8 millions de tonnes de pétrole traitées est tombée à 1,8 en août 1945, avec 3 raffineries entièrement détruites et 9 fortement endommagées.
Le plan de modernisation portant les capacités de raffinage à 15 millions de tonnes pour 1955, réorganise les points d’importation, de raffinage et de stockage au plus près des points de consommation, la reconstitution d’une flotte pétrolière, la construction de pipe-line, de camions et wagons-citernes de grande capacité. Mais ces besoins doivent être financés alors que l’évaluation des destructions est portée à 5,6 milliards de francs 1939.
En mai 1948 est constitué le « Groupement pour la reconstitution de l’industrie pétrolière » qui rassemble les grandes sociétés du secteur telles que la Standard française des pétroles, la Compagnie française de raffinage, Desmarais frères, La Jeanne d’Arc, Shell française, la Société générale des huiles de pétrole…. En décembre 1948, son président, Franz de Montricher, lance un emprunt de 1.050.000.000 francs sur 30 ans avec la Banque de Paris et des Pays-Bas comme unique chef de file. Dès 1952, le niveau de production pétrolière de 1939 est atteint. Le pari est gagné.
L’industrie agroalimentaire
Rationnée depuis 1940, la population française aspire à un choix dans son alimentation au sortir de 1945. Pourtant, elle devra attendre 1949, tant les besoins de reconstitution des industries agricole et alimentaire sont importants.
Si les industries agricoles produisent des produits primaires liés aux cultures telles que les sucreries, les industries alimentaires transforment ou mélangent des matières premières, des produits semi-finis ou finis pour en faire des produits consommables. C’est le cas des pâtes alimentaires, des conserveries, des corps gras alimentaires, des laiteries industrielles etc… Or, la diminution de la capacité de production voire la destruction de chaîne complète de production n’est pas sans impact sur la santé publique ni même sur le corps social.
En parallèle, l’outil de production d’avant-guerre était assez vétuste et ne tenait pas compte des progrès dans le domaine alimentaire. Au sortir de la guerre, le secteur laitier emploie dorénavant de nouveaux procédés de préparation, de fermentation et de conservation qui ouvrent de nouveaux débouchés. La récupération en distillerie des levures en vue de les utiliser pour l’alimentation du bétail ou l’incorporation de la caséine dans la biscuiterie développent de nouveaux produits que les équipements d’usines d’avant-guerre rendent obsolètes.
Les premières avancées
Evalués à 5,884 milliards de francs valeur 1947, les dommages de l’ensemble de la filière sont conséquents et doivent être réparés urgemment. C’est pourquoi, au préalable du groupement, Banque de Paris et des Pays-Bas prête dès 1946 à ces industries 997 millions de francs afin de parer au plus urgent. Puis, en avril 1947, elle favorise la création de l’Association nationale des sinistrés de guerre des industries agricoles et de l’alimentation qui a pour but de fédérer l’ensemble des professionnels du secteur. Si chaque activité avait déjà tendance à avoir sa propre association avec ses propres buts, tout l’enjeu pour la Banque de Paris et des Pays-Bas est d’associer toutes ces activités dans un groupement. Dès le printemps 1947, les dirigeants de la banque réalisent un véritable lobbying pour associer et fédérer les sinistrés des conserveries avec ceux de la meunerie, des sinistrés viticoles avec ceux des industries laitières, des sinistrés cidriers avec les biscuiteries….
Neuf mois de tractation ne seront pas vains pour aboutir à la création d’un groupement. En effet, la Banque de Paris et des Pays-Bas, agissant pour le compte de l’Association nationale des sinistrés de guerre des industries agricoles et de l’alimentation, dépose le 7 janvier 1948 au ministère des finances un dossier en vue de demander les autorisations pour la constitution d’un groupement pour les industries agricoles et alimentaires qui prendra le nom de « Groupement pour la reconstitution des industries agricoles et de l’alimentation et des professions connexes », au capital de 500.000 francs. Les fondateurs rassemblent les principaux secteurs d’activité concernés à savoir les industries laitière, sucrière, meunière et de pâtes alimentaires auxquels s’associeront des activités aussi hétéroclites que les conserveries, les brasseries, les distilleries, chocolateries, cidreries, les fabricants de produits amylacés, les producteurs de semences et d’alimentation pour bétail, les industries frigorifiques et les salaisons. S’ajouteront en 1949 les vinaigreries, les confituriers, les producteurs de chicorée…..
Une aide à tous les secteurs agro-alimentaires
Et chaque établissement établit sa liste des besoins. En conserverie, la banque octroiera 34 millions aux établissements Cassegrain de Lanriec et 15,6 millions aux établissements Petitjean de Hennebont.
En industrie laitière, c’est 128 millions qui seront octroyés au Lait Gloria de Carentan, 300 millions aux laiteries Charles Gervais de Ferrières en Bray ou 57 millions à la laiterie Lepetit de Saint-Pierre sur Dives. 664 millions de francs seront accordés aux Grands moulins de Pantin ou 472 millions aux Grands moulins Vilgrain de Nancy pour la meunerie. Les sucreries Say d’Abbeville, d’Erstein, Béghin à Thumeries ou de Corbehem se verront prêter successivement 198 millions, 192, 39 ou 36 millions de francs. La disparité des sommes s’explique par un niveau de sinistralité différent entre les sociétés mais aussi par un besoin de rééquipement moderne de certaines entreprises. C’est le cas des brasseries Cronenbourg dont l’indemnité de 120 millions de francs sert à reconstituer le stock mais à améliorer l’outil de production. Les Biscuiteries nantaises octroient 25 des 28 millions à la modification de la chaine de production avec des locaux adaptés ; même chose à la Laiterie St Hubert de Nancy avec 7 des 10 millions octroyés.
Mais le service de la banque ne s’arrête pas là . De par ses contacts outre-Atlantique, Banque de Paris et des Pays-Bas offre à ses clients un service d’ingénierie sur les nouveaux modes de production, avec à la clé les techniques modernes de production des Etats-Unis, adaptées au standard français.
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