Reconstruction 2/4 : Paribas au service de la renaissance des villes et de l’industrie
Dans cette situation complexe dans laquelle se trouve la France au sortir du conflit, la Banque de Paris et des Pays-Bas aborde les problématiques de manière différente via son fondé de pouvoir André Gallais-Homonno.
Les reconstructions immobilières
Banque d’affaires, elle n’a pas une vocation particulière à prendre en charge des reconstructions immobilières. Malgré tout, elle tient à prendre position lorsqu’elle a initié de tels groupements ou lorsqu’elle est sollicitée sur ce sujet. Généralement co-chef de file associé avec une banque nationalisée, puisque celles-ci se sont partagées le territoire en zones d’influence, Banque de Paris et des Pays-Bas finance donc les reconstructions de ville ou de département. Pour Le Havre et ses environs, elle est seule et unique chef de file. Ailleurs, elle s’associe à des confrères en tant que co-chef de file. C’est le cas avec le CNEP pour les reconstructions d’Orléans et du Loiret, de la région de Saint-Malo, des départements de la Savoie ou de la Mayenne. Avec la Société générale, elle participe à la reconstruction de Lisieux, Falaise et environs, de la Côte normande et de l’arrière-pays, de Saint-Nazaire et de ses environs. Enfin, avec le Crédit lyonnais, elle financera Marseille et les Bouches-du-Rhône, les départements de l’Aisne, de l’Eure ou de ce qui s’appelle encore la Seine et Oise.
Une intervention de poids dans l’industrie
Par contre, la Banque de Paris et des Pays-Bas a une vocation particulière pour apporter son concours au redressement de l’industrie. C’est donc dans ce secteur qu’elle va investir et s’investir par la mise en place des organismes de financement, la direction des opérations financières, de même que la recherche de tout mode de financement nouveau ou complémentaire. Sur ce point, elle est d’ailleurs encline à un certain dynamisme qui lui permettra d’acquérir un rôle déterminant dans les groupements, en proposant des services annexes aux entreprises.
Le secteur industriel se compose de deux secteurs : les industries proprement dites telles que les industries pétrolière, cinématographique, de transformation des métaux…. Mais aussi des ensembles industriels et économiques que sont les ports maritimes, qu’ils soient autonomes ou gérés par les Chambres de commerce, comme au Havre, à Bordeaux, Nantes ou Boulogne-sur-mer.
Dans l’industrie « pure », la Banque de Paris et des Pays-Bas joue un rôle essentiel. Unique chef de file du « groupement pour la reconstitution des industries alimentaires », elle finance ainsi des industries essentielles au quotidien de la population puisque ce groupement fédère la meunerie, la sucrerie et ses raffineries, les brasseries, le vin, le chocolat, les conserveries…. Elle gère aussi la reconstruction des entrepôts frigorifiques et les magasins généraux, la marine marchande. Avec ses confrères du Comptoir national d’escompte de Paris [CNEP] et de la Société générale, elle partage le financement des textiles d’Alsace, des Vosges, de Normandie, la tannerie, l’industrie du caoutchouc, la sidérurgie et la chimie… A chaque fois, la banque s’associe avec les associations professionnelles et les grandes entreprises du secteur. Par exemple, sur le groupement des carburants, y participent l’Union des chambres syndicales de l’industrie du pétrole, la fédération française des carburants mais aussi la Compagnie française des pétroles, Lille-Bosnières Colombes, Desmarais frères, Péchelbroon….
Enfin, les montants des crédits engagés sont à la hauteur des besoins d’une économie dévastée. Seule chef de file des secteurs évoqués, la Banque de Paris et des Pays-Bas prête, sur 1948, 1949 et 1950, 8,8 milliards de francs à l’industrie pétrolière, 3,8 milliards de francs à l’industrie alimentaire, 1,8 milliards de francs à la reconstitution de la marine marchande. Avec la Banque nationale pour le commerce et l’industrie [BNCI], elle injecte 1 milliard de francs dans la reconstitution du transport routier et de l’écologique transport fluvial ou près de 1,7 milliards dans les entreprises de matériaux de construction. Avec le CNEP, c’est près de 6 milliards qui seront injectés dans les constructions électriques.
Saint-Malo et la côte normande, un exemple de groupements immobiliers
Libérée en août 1944, Saint-Malo avait subi l’occupation ennemie et les affres de l’organisation Todt. Des dizaines d’immeubles avaient été arasées pour les besoins militaires allemands mais bombardée par l’aviation lourde, la ville subit une destruction systématique : outre la ville historique et les principaux ouvrages portuaires, tous les immeubles ont été atteints : 60% ont été totalement détruits ainsi que presque tous les bâtiments publics.
Aux 516 immeubles détruits représentant 317.000 m² s’ajoute la ruine des services sociaux, éducatifs et médicaux. Près de 10.000 personnes vivent dans des conditions insalubres. Les premières évaluations des dommages immobiliers d’avril 1948 font état d’un besoin de 7,5 milliards de francs. Mais les dommages ne se limitent pas à Saint-Malo. Toute la côte est sinistrée, de Dinard à Saint-Servan. Et dans les démarches entreprises, les petites communes alentour constatent rapidement que l’union des forces est nécessaire et que s’associer à une ville comme Saint-Malo sera plus efficace que de s’engager dans un projet départemental. De ce fait, le canton de Saint-Servan avec 11 localités s’associe à Saint-Malo.
Créé en février 1948, le « groupement pour la reconstitution de Saint-Malo et des villes de Dinard, Parame, Saint-Servan et environ » prend pour co-chef de file la Banque de Paris et des Pays-Bas et le CNEP et lance un emprunt de 150 millions de francs. Devant les succès comme devant les besoins, la banque en lancera un second du même montant en février 1950.
Quant à la Côte normande, si l’organisation Todt avait déjà fortement mis à mal la région, le débarquement du 6 juin et les combats qui s’ensuivirent ont achevé de détruire les agglomérations du secteur. Le 24 janvier 1948 est créé le groupement pour la reconstitution de la côte normande, dont le siège est à Cabourg et qui regroupe des cantons tels que Isigny, Trouville, Bayeux, Pont-l’Evêque. En mars 1948, co-chef de file avec la Société générale, la Banque de Paris et des Pays-Bas lance un emprunt de 100 millions de francs.
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